Champion national il y a 35 ans, sa carrière a été trop courte !
Marc Soulet est parti bien trop tôt !
Le samedi 29 avril 2023, alors que de nombreux Belges s’apprêtaient à partir pour quelques jours de vacances "de printemps", Marc Soulet (le père de Maxime pour les jeunes), toujours intéressé par de nouveaux défis, s’est envolé contre toute attente pour aller découvrir les étoiles.
L’annonce de la disparition de ce Bruxellois d’origine me marque particulièrement car c’est un des nombreux pilotes qui ont débuté leur carrière en rallye plus ou moins en même temps que moi dans le journalisme. Bernard Verstraete
En hommage au champion, à l’homme, au papa, Automag publie une très belle interview réalisée par Bernard Verstraete en 2011 ; que ceci puisse vous permettre de vous souvenir de Marc Soulet.
Marc Soulet n’a roulé que huit ans en championnat de Belgique des rallyes, mais il est indéniable qu’il a marqué sa génération. A défaut d’avoir le don des Duez, Droogmans, Snijers et autres Gaban, il s’est intelligemment appliqué et avait atteint un très bon niveau quand un concours de circonstances a mis fin, trop tôt, à sa carrière. Et ce n’était encore rien au regard de ce que le destin lui réservait...
Par Bernard Verstraete (en 2011) - Photos Jacques Letihon, Fabrice Motte & Gérard t’Serstevens
Aujourd’hui comme du temps où il était actif, évoquer le nom de Marc Soulet ne suscite pas que des éloges. Personnage marquant, tant par son physique que par sa voix grave, son franc-parler et son comportement de l’époque, le Brabançon a souvent donné l’impression de "déranger". Sans doute avait-il éveillé trop de jalousies en débarquant, dès sa quatrième apparition en rallye, avec une Porsche très bien décorée et débordant de sponsors puis, surtout, avec une semi-remorque aux mêmes couleurs qui "en jetait" à une époque où les structures d’accueil étaient encore rarissimes. Et totalement absentes dans le championnat national auquel Marc allait s’attaquer pratiquement sans expérience en 1985.
C’est plus sympa de voir des voitures colorées !
M.S. : "Il est vrai qu’à l’époque, dans le monde du rallye, on trouvait encore une majorité de garagistes pour qui les infrastructures n’avaient pas d’importance," se souvient le père de Maxime. "Mais 25 ans plus tard, quand je vois ce qu’on fait en matière de structures d’accueil ou même d’assistance sur les rallyes, je me dis que j’ai été un précurseur en la matière. A l’époque, ça présentait bien mais cela ne coûtait pas grand-chose. Le camion semi-remorque avait été récupéré auprès de mes voisins de Delhaize. Un bon coup de peinture, l’aménagement d’une partie de la remorque en mobilhome et le tour était joué. Mais à l’époque, ça en jetait !"
Le show pouvait paraître d’autant plus disproportionné que l’ouverture de la saison 1985, à Hannut, se terminait par une décevante 18ème place. Mais quelques mois plus tard, Marc montait sur le podium du Critérium Gendebien, puis des 12H de Braine-le-Comte en ayant signé 10 scratches pour 12 à Pascal Gaban. L’année suivante, il devenait vice-champion national, le meilleur résultat qu’on pouvait objectivement espérer face à Pascal Gaban. Et en 1987, il s’adjugeait la couronne, devant Flory Roothaert et Jean-Marc Gaban, grâce notamment à des victoires au Gendebien, à Marche et aux Boucles de Liège, ainsi que de nombreux accessits derrière des pilotes Inter de passage en "D2". Ce sacre concrétisait l’indéniable progression du Bruxellois.
M.S. : "C’est exactement ça. Les premières années, nous n’avons cessé de visiter les fossés. Un jour, Georges Van Oosten est venu nous trouver après un rallye. Il nous a expliqué que c’était peut-être sympa d’être le plus vite pour aller d’un point à l’autre d’une spéciale mais que si c’était pour sortir et perdre 20 minutes dans un fossé au second passage, cela n’avait pas beaucoup de sens. Nous étions un peu, Philippe Willem et moi, comme deux chiens fous. Il a remis de l’ordre dans nos notes ; elles sont passées de "bien trop optimistes" à "normales pessimistes". Grâce à ses précieux conseils, j’ai gagné le Gendebien et les victoires se sont enchaînées. Ce titre m’a fait du bien. Avant cela, nos erreurs faisaient rire beaucoup de gens mais personne, à part Georges, n’est jamais venu nous donner un coup de main."
La jalousie, disions-nous. Pourtant, Marc n’était pas un précurseur de ces gentlemen drivers qui, aujourd’hui, débarquent du jour au lendemain en sport auto parce qu’ils veulent expérimenter tous les "loisirs de riches".
Marc a toujours eu l’esprit de compétition. Plus jeune, il a couru à moto.
M.S. : "De 1975 à 1982. J’ai été champion de Belgique d’endurance sur une Laverda SF-C 750cc en 1976 devant Didier de Radiguès. Ce fut le dernier titre remporté par une Laverda dans le monde. Après, j’ai participé au Championnat d’Europe d’Endurance sur des circuits mythiques avec Kawasaki. J’ai forcément participé au Bol d’Or et aux 24H de Liège. A moto, c’était relax mais il y avait déjà des usines très professionnelles. C’est peut-être de là que j’ai eu mes idées un peu novatrices qui ont tellement fait parler de moi en rallye. Mais je n’y peux rien, j’ai toujours trouvé plus sympa de voir courir des voitures colorées que des autos vierges de tout sponsor. Au début, je faisais réaliser mes décorations par un peintre de vitrine. Mais j’ai vite réalisé que cela me coûtait un pont alors je me suis tourné vers Publiaplic. Je dois avoir été un de ses premiers clients privés."
Sur le plan sportif, Marc estime en revanche que son expérience de motard ne lui a servi que dans certaines circonstances bien particulières.
M.S. : "J’ai toujours été performant sur les zonings, là où il fallait être propre et soigner les trajectoires. J’ai d’ailleurs signé mon premier scratch en Inter au Bianchi, dans le zoning. A l’époque, j’avais proposé de scinder les rallyes se disputant sur deux jours en deux manches distinctes, avec attribution des points chaque jour, et de maximiser les étapes-shows pour que le public puisse voir les voitures plus souvent et, surtout, pour que les riverains soient moins ennuyés."
Le plus cocasse est que la venue de Soulet et Willem en rallye est partie d’un pari...
"Lors d’une soirée un peu arrosée, devant la télé qui retransmettait des images du Tour de Corse, nous nous sommes dit, avec Philippe, que nous pourrions aussi le faire... J’ai tapé la paume de sa main droite. Nous venions de décider de nous lancer dans l’aventure. J’ai acheté une Ford Escort RS2000 et nous avons participé aux Boucles d’El Pannetrie alors que nous ne connaissions rien à la discipline. Nous roulions avec le road book de l’organisation et quelques annotations... Nous avons terminé dans le Top10. C’était en 1984. Et comme cela ne nous avait pas semblé si compliqué, j’ai proposé d’acheter une Porsche. Vu que c’était ma voiture de tous les jours, je pensais que cela allait encore nous faciliter les choses. Ce fut un désastre ! Nous étions rapides mais souvent hors de la route..."
Susciter l’intérêt était d’autant plus difficile pour Soulet que ses débuts en Porsche (sur une 911 blanche affublée d’un énorme point d’interrogation rose fluo sur le capot avant), aux 12H de Braine-le-Comte 1984, coïncidaient avec ceux de... Pascal Gaban, qui était d’emblée annoncé comme un grand talent. Pascal terminait 4ème (derrière Droogmans, Roothaert et Colsoul) et Marc… 31ème.
M.S. : "Déjà, nous étions bien jusqu’à ce que je sorte de la route. Ce n’était jamais de grosses sorties. Il fallait juste prévoir des pare-chocs en suffisance. Ma seule sortie, je l’ai vécue à Braine-le-Comte l’année où j’ai été champion national. J’avais une bonne minute d’avance mais je voulais porter mon avantage à deux minutes. J’ai fait des tonneaux, des soleils, et lorsque nous nous sommes arrêtés, nous n’étions pas loin de la voiture du préposé au Flying Finish. Il ne restait rien de la voiture."
Malgré ses 32 ans, Marc était encore trop confiant en lui-même. Pour bien situer le contexte, il n’est toutefois pas inutile de souligner le niveau du rallye belge à l’époque. Ainsi, en Championnat Inter (Div. 1), dans lequel il se jaugeait aussi ponctuellement dès 1985, il était confronté à la Lancia 037 de Snijers, aux Porsche RAS de Droogmans, Dumont puis Reginster, aux Manta 400 de Colsoul et Vandermaesen, voire à la Rover Vitesse de Duez. L’année suivante débarquaient les Ford RS200 de Droogmans et parfois Andervang, MG Metro 6R4 de Duez et Audi Quattro de John Bosch... Déjà aux Boucles de Liège 1984, pour la finale du Championnat de 2ème Division, sa Porsche passée aux couleurs vert et rouge de Daniel Hechter, Rotring et Val-Rex devait composer avec Colsoul, Snijers, Reginster, Everett, Barras, etc... Peut-être Soulet a-t-il commis l’erreur de vouloir se débrouiller trop seul.
M.S. : "Dès le départ, j’ai voulu disposer de ma propre structure, Target Porsche Service (rebaptisé ensuite Target Sport), pour entretenir la 911 Gr.B préparée en France, qui a essuyé tous les plâtres pendant deux ans. Fin 1985, j’ai acheté les deux 911 de RAS Sport. Mon idée était de rouler avec une et de louer l’autre. Mais en fin de compte, le seul qui a roulé avec une, et gratuitement, c’est Bernard Dethier à Aubel. Nous l’avions pris en sympathie."
En fait, derrière son apparence assez rude, Marc est un gentil garçon, généreux. Lorsque la direction d’Autonews a été confrontée à des problèmes de locaux, il a proposé de disposer d’une partie de ses installations, à la Rue d’Ossegem à Bruxelles. Il leur a aussi offert un assortiment de matériel de bureau, dont il était un des principaux importateurs en Belgique.
J’étais très occupé par mes affaires
M.S. : "Mes affaires ont explosé quand je me suis lancé dans la papeterie scolaire dite ’de fantaisie’. J’ai débuté cette activité du temps de mon père, en sortant de mes études. A l’époque, les amis de mon père l’avaient mis en garde, estimant que ’je faisais n’importe quoi’. Aujourd’hui, tout le monde en fait. En Belgique, je m’en sortais mais pour la France, la taille de l’entreprise ne me permettait pas d’assumer. Ils ont donc signé avec quelqu’un d’autre. Rhétorique, cela a vraiment été le déclic. Aujourd’hui, je trouve ça comique que toutes les quarantenaires que je croise ont eu du Rhétorique quand elles étaient étudiantes."
Pourtant, les résultats avec la Sierra RS Cosworth aux couleurs de cette marque n’ont pas engendré beaucoup de retombées.
M.S. : "J’ai quand même gagné en Pologne, ma première victoire en Championnat d’Europe, mais c’est vrai que ce n’était pas une voiture facile à dompter. Sans compter que les gens de chez Ford ne m’ont jamais proposé la moindre évolution."
Après le titre national de 1987, Marc avait acquis cette Sierra qu’il a étrennée au Rallye du Condroz, avec une 8ème place à la clé, puis s’est concentré sur le Championnat Inter 1988. Son succès en Pologne et un seul podium en Belgique (3e à Looi) ne lui permettaient pas de faire mieux que 9ème au classement final.
M.S. : "Même si certains en doutaient, j’étais quand même très occupé par mes affaires. Je n’avais pas la journée pour reconnaître puisque je travaillais toute la semaine. Donc, je faisais les reconnaissances la nuit et, du coup, je ne dormais pas beaucoup durant la semaine précédant le rallye. De plus, je n’étais jamais totalement coupé de mon travail. Dans ce contexte, c’est vraiment difficile de se concentrer à 100% sur le rallye."
En 1989, changement de monture : la Sierra Cosworth fait place à une envoûtante BMW M3.
M.S. : "C’est la voiture que j’ai préférée dans ma carrière. Sur le plan de la décoration, d’abord, avec cette livrée noir et blanc avec les lettres fluo. Sur ce plan, j’ai aussi beaucoup aimé les Sierra Rizla+ avec le bleu foncé très classe. Mais la M3, c’était la voiture plaisir par excellence. Propice au spectacle et efficace. C’est ce genre de voitures qu’il faut privilégier en rallye. La catégorie R5 qui arrive aujourd’hui semble prometteuse mais pourquoi ne pas avoir opté pour des propulsions ? Ça coûte bien moins cher que des tractions et des transmissions intégrales. Le spectacle en rallye, c’est la glisse, les grands travers. Regardez l’engouement que suscitent encore les Escort et les Kadett aux Boucles de Spa... Même avec la Sierra 4x4, j’optais pour une répartition de la transmission plus importante sur l’arrière pour obtenir un comportement axé sur la propulsion."
Avec la M3, Marc commençait à rivaliser avec les meilleurs sur le plan des performances, signant un scratch au Wallonie et un autre au Condroz. De nouveau, il réalisait une bonne performance en Pologne, se classant 3ème derrière Droogmans (Sierra) et Loubet (Lancia). Cette saison en BMW marquait aussi le début de la belle collaboration avec Rizla+, qui allait permettre à Soulet d’atteindre un niveau encore plus élevé et à Target Sport de prendre l’ampleur espérée. En trois années au volant de la Sierra Cosworth 4x4 bleu et jaune, Marc allait gagner définitivement sa place parmi le gratin du rallye belge. En 1990, il terminait 3ème du championnat derrière Duez et Thiry.
L’année 1991 apportait un gros changement puisque Jean-Marc Fortin remplaçait Philippe Willem dans le baquet de droite.
M.S. : "Philippe en avait assez du rallye ; il estimait que ça devenait trop contraignant. Nous avons établi une liste des copilotes susceptibles de me seconder. Vu que le choix était difficile, nous avons contacté simultanément ceux que nous préférions en leur disant que, pour jauger leur disponibilité, la priorité serait donnée au premier qui nous rejoindrait à Bruxelles. Jean-Marc a été le plus rapide et a donc été enrôlé."
Avec les pneus ’évolution’, j’ai vu la différence
Le nouveau duo trouvant vite ses marques, Soulet remportait sa première victoire en Inter au Rallye de Wallonie et décrochait quatre autres podiums.
M.S. : "Mon plus beau souvenir de l’année, qui est aussi celui de toute ma carrière, c’est toutefois le Rallye de Pologne. Liatti et Snijers se battaient pour la victoire. Nous, nous étions en bagarre avec Enrico Bertone pour la 3ème place. A l’époque, personne n’en n’a parlé mais c’est, à mes yeux, ma plus belle course. Les conditions étaient incroyables avec des orages, une météo dantesque. Je recevais les pneus usagés de Patrick. C’étaient des pneus de développement de Pirelli et j’ai compris les avantages qu’on pouvait en tirer. L’année suivante, lors du Rallye Acropole (où Marc suivait de Mevius), j’ai rencontré un responsable de Michelin dans le parc fermé. Je lui ai lancé, en boutade, que Bibendum devrait se montrer en Belgique en me donnant des pneus. Une semaine plus tard, le gars me téléphonait et me proposait les pneus de développement de Delecour avec une évolution de retard. Avant Braine-le-Comte, j’ai reçu ces Michelin que je payais 12,50 euros contre 125 euros pour un mauvais Pirelli. C’est à partir de là que le déclic s’est fait et que j’ai vraiment pu lutter pour le titre."
Philippe Bouvier : "Que des bons souvenirs" !
Philippe Bouvier est certainement un des pions du sport automobile belge qui connaissent le mieux Marc Soulet. Il a été son adjoint pour les activités sportives pendant pratiquement toute sa carrière rallystique. "Personnellement, je n’ai que de bons souvenirs des six à sept années que j’ai passées avec Marc," souligne-t-il. "Quand il a commencé à rouler en rallye, j’étais journaliste. J’avais été un peu critique, moqueur même, à son égard. Il m’a invité à se rencontrer et le courant semble être tellement bien passé qu’il m’a engagé pour assurer la coordination au sein de son team Target Sport. Il faut croire qu’il avait apprécié que je lui tienne tête. Très vite, nous sommes devenus amis. Le hasard a voulu que nous rencontrions simultanément des problèmes avec nos épouses respectives. Suite à ça, nous habitions ensemble... Je n’ai jamais changé les couches de mon fils Antoine, mais bien celles de sa fille Maude. Sous ses dehors de showman et de fêtard, Marc était quelqu’un qui travaillait beaucoup. Philippe Willem n’aimant pas reconnaître, je le remplaçais souvent dans cette tâche. Nous avons passé beaucoup de nuits ensemble, à reconnaître ou à faire la fête. Mais à 8h, nous étions tous les deux au boulot. J’ai appris plein de choses lors de cette collaboration. Sur le plan commercial et de la gestion, d’abord, parce que Marc était redoutable en affaires. Mais aussi en ce qui concerne le soin dans le travail, la présentation, etc. Il avait raison quand il disait, à l’époque, que ça ne coûte pas plus cher de faire beau. Fort de l’expérience que j’ai acquise grâce à Marc, j’ai pu ensuite travailler chez RAS Sport, puis pour Grégoire de Mevius, puis chez MI et, depuis pour Renault Sport."
En début de saison, le duo Soulet-Fortin avait quand même terminé 2ème à Spa derrière Verreydt et 3ème aux Ardennes, dans les Hautes Fagnes et au Wallonie. Malheureusement lâché par sa boîte de vitesses à Ypres, Marc compensait par une victoire au Bohemia Rally puis prenait une éclatante revanche en s’imposant à Roulers devant Droogmans, Verreydt, Lietaer et Snijers.
M.S. : "Cette victoire-là comptait car ils étaient tous là. Même si certains d’entre eux ont rencontré des problèmes, je finissais premier ! Cette année-là, en fait, j’aurais dû être champion. Au Rallye du Condroz, Droogmans aurait dû être mis hors course. Au départ de Wanzoul, il a calé et ne parvenait pas à redémarrer. Joosten et des spectateurs ont poussé la voiture dans la zone. Ils ont passé la ligne de départ et ont fait marche arrière dans la zone. Nous avons demandé au préposé au départ s’il allait faire un rapport. Il ne l’a pas fait. Nous avons réclamé. Les discussions ont traîné jusqu’à 4h du matin. Finalement, Jaak Bruynooghe, le patron de Boxy’s, est venu lui-même voir la direction de course et les commissaires sportifs. Aucune sanction n’a été appliquée et Robert est devenu champion. Soit. Le titre, je l’avais en fait perdu à Looi en ratant un freinage et en restant 1’30 dans un fossé."
Malheureusement, Marc n’allait pas avoir l’occasion de se rattraper. Cette saison 1992 était sa dernière. Par la suite, on n’allait plus le voir que lors de quelques one-shots, à Spa en 1993 aux couleurs Konica (double bris de turbo), avec une Sierra Cosworth 4x4 de location à Hannut en 1994 (moteur dans l’ES 4), sur une Escort Cosworth de Future World au Condroz 1994 ("ça allait pas mal jusqu’à ce que Spooner mette ses mains dans le moteur ; nous avons abandonné") et sur une autre Escort de Bos à Braine-le-Comte en 1995 (3e).
M.S. : "Malheureusement, fin 1991, le patron de Rizla+ est décédé," regrette Marc. "Son frère, un alcoolique manifeste, n’avait rien à faire du rallye. Il voulait stopper notre collaboration et m’a traité comme de la m... Mais j’avais un contrat en bonne et due forme pour 1992 et il a bien dû le respecter. Hélas, j’ai ensuite rencontré des soucis professionnels suite à de mauvaises rencontres et je n’avais vraiment plus le temps de chercher un autre sponsor. Et mes one-shots n’ont rien déclenché."
Peut-être Marc a-t-il commis l’erreur de viser lui-même le titre Inter 1982 face à Grégoire de Mevius sur la Nissan Sunny GTi officielle dont la préparation avait été confiée à Target Sport.
M.S. : "Je n’ai réussi que très tard dans mon objectif de louer des voitures. Notre premier client a été Guy Grammet, en 1991. Avec le soutien de Rizla+, il a décroché le titre national. Grégoire nous a aussi apporté de belles satisfactions, avec le titre Inter en Gr.N en 1992. Mais j’ai perdu de l’argent dans l’aventure Nissan, notamment parce que les paiements ne venaient pas toujours à temps. Je n’aurais jamais dû me lancer là-dedans, mais c’était tellement valorisant de travailler pour un importateur !"
Tout le monde rêve en effet de ce genre de collaboration. Hélas, les problèmes se sont accumulés pour Marc Soulet, qui a décidé de s’exiler en Afrique du Sud.
M.S. : "En quelques années, ma société a dû surmonter deux incendies. Le premier du fait de vandales. Le second, suite à mon refus de traiter avec un client de l’Est qui me proposait un mode de paiement très hasardeux. Après des menaces et des tentatives de racket, ils ont mis le feu aux bâtiments. Dans ces cas-là, on n’est jamais suffisamment assuré. Finalement, j’ai été dégoûté de la Belgique parce que j’avais tout vendu pour sauver ma boîte mais la TVA m’a coulé. Je me suis bien fait avoir par l’Etat. Alors que je remontais la pente peu à peu, l’Administration a exigé d’être remboursée immédiatement. Quand j’ai expliqué que je ne pouvais pas, on m’a répondu qu’il fallait alors déposer le bilan... Il me restait ma maison ; je l’ai vendue et je suis parti avec ma compagne Nathalie en Afrique du Sud. Nous nous sommes lancés dans un challenge auquel je ne devais pas participer au début. Depuis toutes ces années, j’organise des safaris dans ma propriété. Et je fais moi-même la cuisine pour les hôtes."
Marc s’est toutefois découvert une autre passion...
M.S. : "Depuis peu, j’ai une autre activité qui touche à l’importation d’hélicoptères en Afrique du Sud. J’ai mon brevet de pilote d’avion mais je n’aime pas. J’ai fait un seul vol tout seul et puis j’ai arrêté. Par contre, j’adore l’hélico. Ça, c’est un truc de grands garçons. J’ai apporté des modifications à l’échappement pour les rendre plus performants et je fais des carrosseries en carbone/kevlar. Je suis maintenant sur le point de faire construire moi-même les moteurs parce que je rencontre beaucoup de problèmes avec la réglementation locale, plus contraignante que l’internationale."
L’homme continue à s’occuper pour essayer d’oublier les malheurs qui se sont abattus sur lui. Il y a 7 ans, Marc a vécu le pire drame qu’un père puisse connaître : il a perdu son 2ème fils, Mathieu, qui n’avait pas encore 15 ans. Ayant de qui tenir, le garçon s’adonnait au motocross.
M.S. : "Mais ce n’est pas ça qui l’a tué," précise Marc. "Il n’est pas mort d’un accident mais bien d’une rupture d’anévrisme. J’aime tous mes enfants de la même manière. Je pense évidemment souvent à Maxime et à Maude. Et nous avons heureusement encore Martin, qui a maintenant 15 ans. Mais Mathieu, il reste tout le temps présent. J’y pense tous les jours."
Même s’il ne revient que rarement en Belgique, Marc suit évidemment de près la carrière de Maxime. Pour qui il pense que ce n’est pas un avantage de s’appeler Soulet.
M.S. : "Définitivement pas. Aujourd’hui encore, il le paie aux yeux de certains. Et cela pose aussi un problème dans notre relation parce qu’il n’a jamais voulu m’écouter. Je pense que si j’avais été en Belgique pour ses débuts en compétition, j’aurais pu l’aider pour certaines choses. Et ne parlons pas de l’argent que je n’ai plus et que j’aurais pu mettre pour l’envoyer en FR3.5. Il n’a jamais pu se permettre de casser une seule voiture. Ceci dit, j’admets que face à un Martin ou à un D’Ambrosio, il y a certaines choses qu’il n’a pas voulu faire alors qu’elles sont inévitables dans la vie d’un pilote professionnel."
Toujours intéressé par la compétition, Marc, qui a suivi le Rallye de Luxembourg et les 24H de Spa lors de son récent séjour chez sa fille, s’inquiète de l’évolution des choses.
M.S. : "La course est devenue difficilement accessible. Une DS3 R3, qui se veut une voiture pour jeunes, coûte aujourd’hui plus cher qu’une Top Gr.A à mon époque. Comment voulez-vous que des jeunes sans grands moyens se fassent encore remarquer ? Il doit y avoir encore plus de frustrés aujourd’hui. Il est d’ailleurs bizarre de voir que Bruno Thiry, qui ne roule plus qu’occasionnellement, joue encore devant avec une DS3."
J’aurais dû demander des conseils plus tôt
En conclusion de notre sympathique entretien, Marc ne se montre nullement amer.
M.S. : "Si c’était à refaire, j’aurais peut-être demandé des conseils plus tôt. Et je n’aurais pas engagé Willy Plas, avec qui la collaboration au sein de Target Sport n’a pas été très positive. En fait, Willy n’a jamais touché à ma voiture. Il s’est contenté de s’occuper de la Nissan. Pour le reste, je ne regrette rien. Via Target Sport, je suis content d’avoir lancé de jeunes mécanos comme Stéphane Cambron, "Nounours" (Patrick Goossens) ou Paul Turkijn. Quand j’ai remporté le Rallye de Pologne en 1989 (devant deux pilotes Camel, NdlR), j’aurais peut-être dû accepter la proposition de Camel et rouler chez Lancia en Championnat d’Europe. Ca a toujours été mon rêve de rouler en Lancia HF Integrale. Mais comme elle présentait une répartition 50/50, je ne suis pas sûr que ça m’aurait plu. Sur la Sierra Cosworth 4x4, comme je l’ai dit, je roulais avec une répartition 35/65 pour garder son caractère de propulsion. En configuration 50/50, il fallait changer les cardans à chaque course… à 4500 euros pour les deux ! Pour un pilote qui a démarré à 30 ans, je pense que je m’en suis bien sorti. Par rapport à des "très vite", j’ai toujours choisi la sécurité. Quand je ne le sentais pas, je préférais lever. Mais j’ai constamment progressé. Et à l’époque, il y avait du monde."