Fievez-Lys : un Tour de Belgique 2013 pas comme les autres !

Jacques Fievez    2013-11-26 22:54:49   

« Tour de Belgique 2013 »


Je l’avais entendu et lu à maintes reprises : « le Tour de Belgique », tu ne peux manquer ça !

Le choix de la monture.

C’est vrai que tout ce qu’organise Robert Vandervorst est généralement un évènement dont on sort enrichi et quand DG Sport met le paquet pour proposer de traverser la Belgique en empruntant les routes des rallyes belges les plus prestigieux (actuels et anciens), en nous faisant gravir un nombre invraisemblable de courses de côte que recèle notre beau pays et en nous permettant de nous exprimer sur des circuits comme Zolder, Francorchamps, Mettet et Mariembourg , ça laisse rêveur…

Bref, notre participation à un tel marathon organisé en trois jours et où il faudra se cracher dans les mains était une fatalité. Robert m’a vite mis en garde sur le choix de l’auto. La « petite Audi 80 » étant trop jeunette, j’aurai recours à la belle BMW orange et noire du Team DWR.

Du circuit à la vallée des courses de côtes.

Pour entrée en matière, nous voilà sur le circuit de Zolder. Quelle belle mise en bouche. Ici, ça hume bon l’automobile et j’ai le sourire qui va d’une oreille à l’autre. Il ne me lâchera pas durant tout le périple qui suivra dans la région de Chaudfontaine qui peut, honorablement, être rebaptisée la « vallée des courses de côtes ».

Ensuite, logés en surplomb du plus beau circuit du monde, la brume nous annonçait une seconde journée bien glacée. Une fois sur le tarmac de Spa-Francorchamps, la magie s’opère. Le brouillard aux « Combes » est amusant et, pour être efficace, il oblige à se souvenir des points de freinages vécus en d’autres occasions. Le rallye, c’est « bon » ; le circuit c’est « goûtu » et le « Tour de Belgique » est le gastronome qui arrive à harmoniser les deux.

Bizarre, vous avez dit "bruit bizarre" ?

La BMW est la bonne assiette pour gouter ces plats et je me réjouis d’aborder l’Ardennes profonde et ses routes sinueuses et boueuses. Bizarrement, cependant, je sens que l’auto veut légèrement partir en crabe lors de légères relances. La perception est infime ; aussi, je ne m’en inquiète pas.

Tiens, j’avais presqu’oublié,… nous voilà déjà bloqués derrière deux tracteurs et un troupeau de vaches au milieu. Mince, on est en « RT » ! Une, 2, 3 puis 7 autos sont déjà derrière nous et on est toujours bloqué. A peine, le temps de dépasser le convoi dont le fermier s’en excuse vraiment, nous voilà déjà au « CH » sans avoir su « se refaire ». Là, on prend des valises !!!

En m’arrêtant, j’entends un bruit bizarre à l’arrière, comme un pont manquant d’huile. Je réfléchis mais Dré égraine déjà les secondes pour repartir. Je lance la BM mais le bruit est trop évident et à peine 20 mètres plus loin, je me gare.

 "Dré, le rallye est fini, je pense qu’on a cassé le pont. Va quand même voir le train arrière et sa réaction quand j’avance".

Dré s’exécute. Il sort, ferme la porte… Mais quel sot ! Comment veut-il que j’arrive en entendre ses propos s’il ferme la porte. Je la réouvre violemment et j’entends un "boum" qui n’avait rien à voir avec le pont. Dré, à 4 pattes derrière la porte est désormais étalé raide dans l’accotement. Bon sang, j’ai assommé mon copilote ! Ouf, il se relève mais je vais devoir être délicat pour éviter le divorce. On recommence l’opération puis Dré hurle (ça c’est souvent mais ici, les décibels montaient encore et, à la limite, la portière aurait pu rester fermée) :

 « une barre est cassée  » s’exclame-t-il !

Là, je ne rigole plus, sors de l’auto et contemple les dégâts : le berceau est littéralement coupé en deux et nous rappelle cruellement qu’on roule avec des mamys, voire des grandes mamys. La roue est toute de travers et s’est appuyée contre son amortisseur.

Pas besoin de faire un dessin, le rallye est terminé pour nous. Dré devient blanc (même la bosse sur le front qui était pourtant si rouge). Pantois devant l’auto, je retrouvais cette horrible sensation vécue au « neige et glace » en début d’année avec le bris de boîte de la « petite 80 ».

Quelle guigne, je suis maudit cette année. En outre, on est perdu au milieu de nulle part (à Benonchamp, près de Bastogne) dans un village où il n’y a qu’une rue, une dizaine de maisons, pas même une église, ni même un café où se réchauffer. Heureusement, le GSM capte et on ne va donc pas « pourrir » sur place.

 « Dom, on est à l’arrêt, l’auto est cassée ». Dom, patron de DWR est littéralement détruit. S’il me loue l’auto, ce n’est pas que pour le boulot, c’est aussi par amitié et là, ça fait mal mais, entre nous, on se comprend. Pas besoin de longues phrases pour s’entendre tant dans la joie que dans la douleur.

 « Jacques, on arrive mais on est loin… T’as sonné à DG Sport pour venir avec le plateau ? ».

 « oui, Dom »… Long silence puis voilà quand le sort s’acharne, qu’y faire ?

Grosse ferme et ange gardien !

Dré et moi sommes raides devant l’auto. Il fait froid et les mains dans les poches mais le cerveau sur mode « pleine charge », je regarde le village. Nous sommes à quelques pas d’une grosse ferme. Mais qui dit « Grosse ferme », dit « gros matériel ». Je m’y dirige et frappe à la porte !

 « Bonjour Madame, Monsieur est là ? ». Je dois avoir là, la mine d’un gars qui a perdu toute sa fortune.

 « Ça ne va pas Monsieur ? ». Elle s’avance vers moi comme pour me soutenir.
 « Oh, si vous saviez… mais auriez-vous un post à souder ? ». Un peu étonnée mais sans hésiter, elle me mène à son mari. Il était en train de laver sa remorque, vous savez celle que généralement on maudit parce qu’elles sont en travers de notre route. Si ça tombe, excédé par nos passages multiples, je vais me faire lyncher par ce fermier. Calmement, il me tourne le dos, remplit un seau d’eau et le jette… à ses pieds pour décrotter ses bottes, comme pour paraitre plus présentable.
 « Qu’est-ce que je peux faire pour toi, m’fi ? ». Et comme on enfile des perles sur un collier, j’égraine :
- « Si vous auriez un poste à souder, ce serait merveilleux ; une meuleuse, un marteau et quelques babioles…  ». Le tout livré avec un sourire confus tout comme on le ferait bien devant la porte du paradis pour pouvoir y accéder.
 « Je t’amène tout ça » me répond le brave.

La vache (c’est le cas de l’écrire), je transpire déjà à l’idée de la tâche dans laquelle je me lance. Abusant, je demande encore de pouvoir mettre la BM dans la cour de la ferme. Là, la surface est bien plane et je préfère lever l’auto en toute sécurité. Je n’ai plus envie de me retrouver coincé sous l’auto comme ce fut le cas aux « routes ardennaises » où j’ai vu, pour la première fois de ma vie, Eddy Coppée se séparer de son appareil photo (rendez-vous compte) pour faire partie du groupe qui me sauva de cette situation périlleuse.

La BM mise donc en sécurité sur un échafaudage fait de roues et de madriers, me donne un minimum de confort pour rester couché sous l’auto. Le berceau m’apparaît salement brisé. Les morceaux ne sont plus l’un en face de l’autre. Il me faut un cric pour réaligner le tout… Je m’en retourne à mon brave fermier qui n’est plus seul car, des copains du village viennent assister au spectacle.
 « Vous avez un cric ? »
 « oui hein m’fi, va voir dans l’auto, y en a un à piston qui est encore emballé tout neuf ». Cet homme est mon ange gardien…

Greffe d’une BMW et tondeuse à gazon...

De nouveau sous l’auto, je réaligne les morceaux puis c’est parti pour un balai inattendu. Je tente la soudure mais « à l’arc », je passe à travers le métal qui s’est effeuillé avec le temps. La petite a quand même près d’un demi-siècle !!!
Bref, si je ne sais pas souder à la brisure, je dois y appliquer des plats de renforts. Je vais dans le fourbi de notre fermier… Oups, je me trompe de porte et rompt la quiétude de vaches siestant quelque peu. Derrière la porte suivante, il y a vraiment de tout. J’y trouve des vieilles lames de tondeuse. Hum, ça fera l’affaire. Je coupe des morceaux hors de ces lames encore épaisses, les martèle pour donner la courbe du berceau. Je meule les pièces receveuses, présente le tout et commence à souder.

 « Dis m’fi, tu fais quel métier ? » me fait le fermier,
 « Je suis architecte pourquoi… ? »
 « Ah bon ? Ma belle-fille l’est aussi mais elle ne fait pas tout ça, hein ».

Toute l’assemblée est hilare et… moi aussi, car je sens qu’on va réussir. C’est alors que Dom arrive avec ses mécanos. Imaginez le tableau, ils nous voient au milieu d’une cour de ferme, son auto en l’air, un fourbi d’outils tout autour, des badauds pour témoins, son pilote sous l’auto et des coups de flash de post à souder. Après un temps mort où je me fais amicalement traité de grand malade, tout le monde se crache dans les mains et c’est parti pour le balai de la dernière chance !

Je sonne alors à Robert V. pour savoir où et comment rallier le rallye. Avec l’efficacité qui lui est connue, on est renseigné au millimètre. Les mécanos de DWR font alors un boulot impeccable et Dré a retrouvé ses couleurs, sa bosse et son sens du co-pilotage en me traçant un nouveau parcours pour rejoindre illico le village de « Léglise ».

La BMW est à l’arrivée !

L’auto de nouveau sur ses roues et nous dans les baquets, on a certes perdu le rallye mais « on y retourne » et avec une joie indescriptible.
Fermière et fermier nous ont salués avec une telle sincérité que je crois que désormais, je saurai rester calme derrière un tracteur qui me barre la route.

La suite du rallye ne fut que plaisir. On s’est amusé comme des fous. On s’est appliqué jusqu’au bout et on s’est surtout lâché sur les circuits… juste pour le plaisir ! J’avoue d’ailleurs que l’accueil qui nous fut réservé, tant par les spectateurs que les commissaires, à la sortie de Mariembourg nous a rempli de bonheur.

Merci à DG Sport, à Robert Vandervoorst, à tous les concurrents avec qui on partage des moments d’amitiés et de passions exceptionnelles, à Dré pour les mêmes raisons et sa capacité à recevoir les coups, au fermier mon ange gardien, à la BMW qui désormais partage des pièces communes aux tondeuses et aussi et surtout à Dominique , Jean-marie, Vincent et Fred de DWR avec qui on se sent en famille et qui, ceci dit en passant, aligne 7 autos et termine le rallye avec ses 7 autos !

Jacques pour l’équipage « 51 » Fiévez/Lys.

NDLR : Merci Jacques !

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