S’il est des rallyes qui qui méritent leurs réputations, celui du Portugal est bien de ceux-là…Tous les rallyemen européens savent que l’épreuve est hyper sportive, vraiment hors normes, la plus belle mais aussi la plus exigeante au monde en régularité « très » sportive.

Il y a plusieurs raisons à cela dont les principales sont certainement à trouver dans l’état d’esprit des organisateurs œuvrant dans la lignée de ceux du fameux TAP Rallye qui, à l’époque, permettait aux voitures les plus solides, pilotée par les plus intrépides, de s’imposer.

Ces organisateurs de l’automobile club du Portugal sont en plus épaulés par des politiciens responsables qui considèrent que l’épreuve est une véritable ambassadrice de ce pays dont l’image est censée tenter les aventuriers les plus avides de découvertes originales en ce monde bassement formaté. Et de fait les autorités locales, surtout la police, collaborent à l’organisation de cette épreuve hors norme sécurisée au maximum même si elle est organisée sur routes ouvertes ! On est dans la situation inverse de celles qui nous rencontrons en France et même en Belgique pays où, quand on parle « rallyes », on a l’impression de parler d’une sorte de poison, d’une nuisance polluante à éradiquer au plus tôt. En plus, dans le nord du Portugal, le terrain de jeu est parfait…montagnes sauvages, petites routes sinueuses, superbes villages s’y mêlent avec harmonie.

Près de quatre- vingt voitures au départ d’ESTORIL.

Portugais, Français, Belges, Espagnols, Suisse, Italiens se retrouvent au départ à Estoril aux volants de voitures sportives, solides et rapides .Les Porsche sont en plus grand nombre, mais les populaires SEAT, DATSUN, FIAT, BMW et autres VOLVO s’y alignent aussi sans complexes… Une superbe STRATOS joue à l’originale, propriété de Stanislas MACHOIR épaulé de Jean-Yves VAN HEUCKELOM, elle ne fait pas que de la figuration dans ce plateau haut de gamme… La communauté belge, Deflandre, Lambert, Chavan en tête est bien représentée. Une petite dizaine de voiture dont la Porsche Automag retrouvent là avec plaisir leur terrain de sport favori : la montagne !

Mardi 8 Octobre le début des folies… entre ESTORIL et VISEU via TOMAR.

C’est du fameux circuit d’Estoril que s’élancent les voitures. Le principe est simple, du routier pénalisant joint l’une à l’autre des spéciales à moyennes « rapides » avec de multiples prises de temps intermédiaires… Les départs des étapes spéciales se font en « self start » mais pas question de prendre du retard car si on y démarre hors délai, on est censés être partis à l’heure et cela devient vite la course « à la recherche du temps perdu » Ici, pas question donc de se rattraper en se donnant une autre heure, pas question non plus de « joker » de rattrapage la règle est impitoyable et c’est très bien ainsi… Nous en faisons d’ailleurs l’expérience puisque nous ratons le départ de la seconde spéciale ! Malgré toute notre bonne volonté, nous y encaissons 400 points d’un coup, ce qui nous semble énorme ! Via CURIA nous finissons par arriver à VISEU où une course sur un boulevard de la ville avec chicanes et multiples spectateurs termine cette première journée assez folle où nous avons l’air de rien parcouru plus de 400 kms sur une longue après-midi et une courte nuit.

Quarantième après la première journée mauvais départ pour notre Porsche…

Joseph Lambert se blesse, Verhelle sort… la bérézina des Belges !.

La première journée du rallye a fait du dégât, Johnny Delhez a cassé le pont arrière de son Escort, les favoris REUTER/ VANDEVORST ont des problèmes d’allumage, VERHELLE/ THIRIONNET sont sortis de la route…c’est la Bérézina ! Nous sommes classés quarantième, c’est évidemment une grosse déception car à part une spéciale ratée, nous avons bien performé. Le niveau de la concurrence est gratiné et il ne nous reste plus qu’à partir à nouveau, le couteau entre les dents, à la « recherche du temps perdu ».Les portugais dominent sur leur terrain, seuls Yves Deflandre et Joseph Lambert résistent avec leur Porsche 2,7 orange. Ils ont eu de la chance car, en changeant une roue en crevaison lente à la sortie d’une spéciale, Joseph Lambert se blesse à l’œil, le pneu ayant éclaté en projetant violemment une multitude de débris au visage. Cette aventure une partie de nuit à l’hôpital !

10 octobre, une boucle infernale autour de Viseu.

Nous dormirons deux nuits à Viseu puisque l’itinéraire de ce 10 octobre nous ramènera à nouveau le soir à notre point de départ. Cette journée est longue de plus de 500 kms parcourus à forte allure. Avant la nuit, nous passons par le musée automobile de CARAMULO qui vaut le détour uniquement sur petites routes avec quelques jonctions autoroutières. Arrivés de nuit à VISEU, nous avons déjà parcouru 28 étapes spéciales toutes très dures avec de nombreux changements de moyenne en cours de parcours. Les équipiers dégustent en s’amusant, les pilotes se crachent dans les mains mais les voiture souffrent énormément, il y a beaucoup de casse !

L’ambiance dans le parc d’assistance est extraordinaire car le règlement ne prévoit après ces journées infernales qu’une heure de travail par voiture ! Nous avons quant à nous beaucoup de chance car, à part un peu d’huile, notre voiture ne réclame aucun soin. Même nos « Michelin » résistent bien alors que la plupart des concurrents rencontrent de gros problèmes d’usure. Le revêtement routier au Portugal est particulièrement abrasif ce qui pose effectivement certains problèmes. Les pneus « Toyo » de Chavan sont usés jusqu’à la corde, d’autres ne font pas mieux. Deflandre- Lambert résistent bien mais la victoire leur échappera car la Porsche portugaise de Joao Mexia et Nuno Machado est particulièrement efficace sur un terrain qu’ils connaissent à fond.

11 octobre, le jour le plus long…près de 8OO kms dont la fameuse nuit de SINTRA !

Estoril est encore loin, on sait qu’avant l’arrivée il y aura encore les étapes de SINTRA de nuit et seize spéciales gratinées… dont une sur un circuit de Kart et une autre dans des polders très dangereuse avec ses canaux remplis d’eau plus proche des marais vendéens que du Portugal .Nous repartons aux alentours de la vingtième place, nous apprécions cette belle remontée d’un vingtaine de place favorisée par quelques abandons mais aussi par nos bon résultats. Les futurs vainqueurs… mènent la danse, Deflandre et Lambert sont résignés en seconde position. Chavan a bout d’embrayage abandonne, Paul Royen épaulé de l’expérimenté Jean- Luc Fraikin abandonne aussi suite à une petite sortie de route ayant engendré des problèmes de circuit d’huile. Patrick Lienne épaulant Dansart sur une Porsche 944 nous devance de quelques places… Le rythme est fou jusqu’au Kartodrome de Leiria où, à la nuit tombée, il nous faut faire le show sur une piste étroite mais rapide devant un très nombreux public. Un petit repas et nous repartons vers les dernières spéciales dont deux piégeuses en navigation entre les canaux de Gradil. C’est là que la Porsche de…. Prend un large bain de nénuphars, l’arrière de la voiture, moteur compris étant plongé dans l’eau glauque, cela aurait pu plus mal tourner…La nuit, à la lampe frontale, trempés, ils finissent par s’extraire de la voiture mais c’est l’abandon alors qu’ils étaient classés dans le top cinq…c’est une grosse déception pour nos amis français. Après une errance autoroutière, nous arrivons enfin aux quatre derniers « grands juges » les fameuses étapes de SINTRA qu’il nous faudra parcourir deux fois.

La foule dans SINTRA pour les cerises sur le gâteau !

C’est loin d’être fini. Il y a foule immense pour assister au baroud final de la quarantaine de rescapés de cette aventure hors du commun. Les moyennes imposées de nuit dans ces tourniquet imposent un train d’enfer…L’ultime descente vers Sintra entre les murs pierres sèches, les arbres et les spectateurs excités reste un grand souvenir. Cerise sur le gâteau pour clôturer beau rallye exceptionnel… La vidéo jointe à l’article prise de la 944 de Dominique Dransart et Patrick Lienne (onzième) donne une idée vue de l’intérieur de cette superbe folie nocturne…

Les plus beau, le plus fou, le plus beau….

Le rallye du Portugal est certainement une des épreuves qui respecte le mieux l’état d’esprit d’antan de la course. Aussi vite, aussi fou, aussi beau que du temps du « TAP »… Cela ne serait évidemment pas possible sans l’étroite collaboration du pays tout entier, police, autorités locales, public réunis en une même communion. Dans ce sud- Ouest de l’Europe, ce bout du monde narguant la mer, on sait encore ce qu’est le sport automobile. S’il y a un rallye à faire pour les amateurs de sensations fortes, c’est bien celui-là ! Que les organisateurs ne changent rien à ce merveilleux état d’esprit. A la limite, une catégorie « amateurs » pourrait-elle être ouverte pour permettre au plus grand nombre de découvrir à allure un peu plus modérée ce merveilleux pays, mais là le rallye y perdrait peut-être une bonne partie de son âme, le rallye du Portugal a toujours été un truc de « grands garçons » !

Raymond Collignon.