Christian Delferier : Palmarès impressionnant pour ce copilote globe trotter attachant !

Bob d’Automag    2018-02-12 17:44:48   

Interview de Christian Delferier - 20 janvier 2018


Lorsque l’on demande à Christian Delferier si il est le copilote le plus titré du monde, il répond très humblement « Non, non c’est de l’intox ! ». Le belge a tout de même accroché 3 titres en Championnat du Monde : L’Acropole (1973), le Press of Regardless (USA 1974), le San-Remo (1977) et remporté une dizaine de belles victoires internationales aux côtés de très grands pilotes.

Cela fait maintenant plus d’un demi-siècle que Christian exerce sa passion pour le rallye, et plus particulièrement pour le copilotage. Mais comment devient-on un copilote de talent ? C’est la question que nous avons posée à cet homme d’expérience et la réponse était directe et claire ; ensuite cet homme attachant nous a fait voyager dans ses souvenirs avec de belles anecdotes à la clef !

Comment devient-on un copilote de talent ?

Christian Delferier et Nicolas Gilsoul, la relève !

CD : Alors, tout d’abord il ne faut pas être malade en voiture, il faut pouvoir lire sans regarder la route, ensuite il faut être très bien organisé pour préparer tes notes, et si tu peux calculer rapidement mentalement pour vérifier les temps de passages, tu as les bonnes bases. Après il faut s’exercer encore et encore … construire son expérience dans de petites épreuves et apprendre de ses erreurs. Je ne conseillerai pas de se lancer d’amblée dans un grand rallye. Le talent se révèlera doucement, et un bon copilote sera vite repéré !
Nous avons de beaux exemples actuellement avec Nicolas Gilsoul et le jeune Renaud Herman.

La passion pour le rallye était là depuis tout petit ?

CD : Oui, gamin je voulais devenir pilote. Mes parents habitaient Loupoigne, près de Genappe où se trouvait le garage Peugeot Quernette et j’étais copain avec le fils du garagiste. Le père Quernette courrait à Francorchamps et participait aux Liège-Rome-Liège, c’était dans les années ’53 – ’54, j’avais une dizaine d’années et j’allais avec eux voir les rallyes. Vers mes 16 – 17 ans je participe à l’assistance de divers équipages. L’envie me vient de rouler, moi aussi en rallye, mais il faut de l’argent … je commence donc comme copilote début des années ’60 dans l’écurie Baraccuda, et mon premier rallye était le Rallye de Nivelles en 1960 avec Jacques Van den Haute sur une Aston Martin. (NDLR : ils se classeront 21ème et 1er de classe).

Tour de Belgique 1960
Christian Delferier aidait souvent en assistance rallye. Tour de Belgique 1960 Roger de Langenestre copilote Henri Quernette.

Comment devient-on le copilote de Gaban et Bianchi ?

CD : La chance m’a aidé deux fois. La première c’était la rencontre avec Jean-Pierre Gaban, membre comme moi de l’A.M.C. Ixelles. Il commençait le rallye et s’est vite imposé grâce à ses voitures rapides, il cherchait un copilote et c’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier. La seconde est le challenge Shell en France. Nous participions à tous les rallyes du nord de la France : Routes du Nord, Touquet, Picardie... Cela m’a permis aussi de connaître les pilotes français et aussi … Lucien Bianchi. Avec lui, je cours une dizaine de rallyes et je me fais connaître à l’étranger.

Jean-Pierre Gaban synonyme de Porsche ?

CD : C’est avec Jean-Pierre Gaban que je gagne mon premier rallye : le Rallye de Thuin en 1964 sur une Porsche 356 Carrera 1600. C’est une beau souvenir émouvant parce que c’est ma première victoire.
Au rallye de Picardie en 1966, nous participions avec la Porsche 904, Jean-Pierre n’avait pas fait de reconnaissances, il n’avait pas vu le parcours avant la course et nous gagnons ! A cette époque on roulait tous les weekends et les belges étaient très forts avec Gaban, Vernaeve, Stapelaere … les français venaient nous trouver et nous demandaient « ou allez-vous rouler la semaine prochaine ? » pour éviter de se retrouver dans la même épreuve que nous.
Avec Jean-Pierre nous avons roulé une cinquantaine de rallyes ensemble.

Rallye de Picardie 1966
En Porsche 904 avec JP Gaban, et en 911 au Rallye de Lorraine 1967

Scoop : J.P. GABAN au volant d’une Daffodil !!! 

Au Rallye de Suède 1964, on vous voit avec Jean-Pierre Gaban dans une DAF33 ! La Porsche était en panne ??

CD : C’était pas vraiment une 33, mais une Daffodil de 650cc, cette voiture était habituellement pilotée par Georges Hacquin, il avait un empêchement pour participer au rallye de Suède. Il propose à l’usine DAF de donner l’auto à Gaban – Delferier. J’étais emballé ! A 22 ans, partir en Suède tous frais payés m’intéresse. Jean-Pierre ne veut pas rejoindre la Suède en Daf. Donc, je pars avec la voiture de rallye par la route et lui en avion ! Le rallye se déroule par des températures très froides et des routes enneigées. La piste est plutôt droite avec une succession de bosses, Jean-Pierre fait décoller la Daf à chaque fois. A l’arrivée de la spéciale, après la dernière bosse, la route tourne… et Jean-Pierre franchi le panneau « finish » avec les quatre roues… en l’air… pour atterrir dans le mur de neige devant nous ! La Daf se retrouve sur le toit, heureusement les supporters suédois sont là pour remettre la voiture sur ses roues et c’est reparti sans pare-brise par -20° … Brrr, c’est froid on essaie de se camoufler le visage comme on peut jusqu’à la prochaine assistance où l’on nous colle le pare-brise arrière sur l’avant. C’est déjà plus confortable. Nous terminons la journée, et pendant la nuit l’assistance trouve un pare-brise chez un concessionnaire et le remonte. Nous terminons loin des voitures beaucoup plus puissantes. Retour par avion pour Jean-Pierre, et par la route pour moi. C’était sans doute la seule expérience de Gaban en DAF !

Rallye de Suède 1964
avec Jean-Pierre Gaban au volant de la Daffodil, une aubaine !

L’ouïe fine de Lucien BIANCHI … 

CD : Je me suis fait membre de l’écurie Toison d’Or, et j’ai rencontré Lucien Bianchi qui cherchait un copilote pour la Coupe des Alpes 1966 (NDLR : ils termineront 8è). Par la suite nous roulerons aux Cevennes, Monte Carlo, Mont Blanc de beaux grands rallyes. C’était l’époque des Alfa Roméo, Citroën DS et bien sûr des Alpines A110. Avec Lucien j’ai accompli mes débuts de copilote d’usine, si l’on peut dire.

Coupe des Alpes 1966
Premier rallye aux côtés de Lucien Bianchi à la Coupe des Alpes 1966 sur la DS, ils termineront 8ème.
Rallye des Cévennes 1966
les autres étaient plus rapides que moi...

Lors du Rallye des Cévennes 1966, nous faisions une reconnaissance avec l’Alfa Roméo GTA, au bout d’un moment Lucien me dit « tu entends ce bruit ? » je tends l’oreille mais même avec beaucoup d’efforts je n’entendais rien. « Si, écoute ce bruit dans le moteur… ce n’est pas normal ». A l’arrivée d’une spéciale, il en informe l’ingénieur moteur « non, non ce n’est rien » Lucien insiste et finalement obtient que l’on change le moteur. Le rallye se passe bien et on termine 3è.
Quelques jours plus tard, l’équipe technique Alfa Roméo informe Lucien qu’il y avait bien un défaut au moteur… « Tu vois Christian, si on avait laissé le moteur on ne terminait pas ! » me lance Lucien avec un sourire.
Lucien Bianchi était un pilote très rapide, agréable et très sérieux dans la préparation et sur les rallyes.

L’envie de piloter était oubliée ?

CD : Oh non, c’était toujours mon envie première, mais je roule peu car je suis souvent demandé comme copilote, en Belgique je rejoins les NSU de Deprez et Hollebecq. C’était une époque ou l’on roulait tout le temps, tous les weekends on était en course. J’ai fait un peu de slalom, de la course de côte, et notamment les 84 heures du Nurburgring (NDLR : Le Marathon de la Route). Je les ai tous fait (ceux qui empruntaient le ring) de ’67 à ’71, J’ai fini deux fois : dernier sur Peugeot et 12è sur une DAF.
Et puis je constate que plusieurs autres pilotes sont plus rapides que moi, alors je continue ma passion en tant que « copilote ».

La belle époque des copains. 

1969, le grand saut vers l’aventure professionnelle avec DAF et Jean-Louis Haxhe qui était pilote d’usine. Christian Delferier disputera 6 ou 7 courses en Belgique et 5 des plus belles épreuves européennes : le San Remo, la Corse, l’Acropole, les Alpes et les Tulipes. Quelle époque fantastique.

CD : La première année de notre association, on jouait également le championnat national chez nous. A l’international, j’ai fini deuxième, et chez nous quatrième ! A ce propos, il faut dire que je n’ai jamais glané un titre belge ! (NDLR : Cà c’est pour la petite histoire ☺)

24 Heures d’Ypres 1971
Christian aux côtés de Jean-Louis Haxhe sur le proto DAF 555

Aux côtés de Jean-Louis, Christian participera encore au même beau programme avec le Proto DAF 555 en 1970 et 1971 où il participe notamment au Safari Rally. (NDLR : le proto était en fait un coupé 55 préparé avec un moteur 1440cc de 140cv et une transmission variomatic empruntée à l’expérience DAF en Formule 3)

CD : oui là on a cassé, mais les souvenirs ont autant de poids que les trophées …

Début de la saison ’72, DAF se retire de la compétition, Christian quitte donc Jean-Louis et se retrouve à pied l’espace d’une … heure ! Henri Greder l’attend chez lui et ce sera une année Opel pour notre copilote belge. La marque à l’éclair avait préparé trois voitures, pour Jean Ragnotti, pour Marie-Claude Beaumont et pour Titi Greder comme aime à l’appeler Christian Delferier.

CD : c’était des Opel Ascona 1900 équipées des premiers moteurs Crossflow.

Le plus français des belges est fort demandé … 

Olympia Rally 1972
Avec Titi Greder sur Ascona à l’Olympia Rally.

Christian participe ainsi au Monte Carlo, au Portugal, à l’Olympia Rallye en Ascona et au Tour de France en Commodore. Quoique … il a failli ne pas pouvoir participer au Monte …

CD : Ah oui, c’est exact, lors des vérifications administratives du Monte Carlo le commissaire dit à Titi Greder « pour vous c’est ok, mais pour Mr Delferier je n’ai pas reçu sa License de la FFSA, donc il ne pourra pas participer » !! Henri Greder a tout de suite capté où était le problème et commence à chauffer la situation, et attire l’attention de tous les commissaires « mais si il est en ordre de license » « mais non je n’en ai pas reçu » rétorque l’autre … au bout d’un moment, Titi me dit « allez Christian montre lui ta license » et là je sors de mon portefeuille ma licence RACB !! « Aaah ouiii c’est vrai, vous êtes belge !! » rétorque le commissaire. Il fallait voir leurs têtes !!

Cette année là, Christian disputera encore quelques rallyes avec Claude Laurent et en fin d’année il se retrouvera, en Corse, dans le baquet d’une Porsche d’usine aux côtés de Gérard Larousse.
Le plus français des belges est fort demandé …

"Le plus français des belges est fort demandé" : ici avec Jean-Claude Andruet. Remarquez 2 anomalies : on lui colle le drapeau français (!!) et son nom hérite d’un "R" de trop ! :-)

La Porsche cassera en Corse, mais Christian roulera encore d’autres rallyes avec Gérard Larousse comme le Monte Carlo, et le Lyon Charbonnières, où, sur Alfa Roméo ils gagnent le Gr1. Nous sommes en 1973, la première année du Championnat du Monde des rallyes, un titre que convoite la dynamique équipe Alpine. La belle époque, disent les moins jeunes …

L’Acropole avec un « A » comme Alpine ! 

Quel est ton plus beau souvenir de rallye ?

CD : il y en a beaucoup, ma première victoire avec J.P. Gaban au rallye de Thuin, la Coupe des Alpes avec Lucien Bianchi, premier rallye avec lui sur la DS en ’66. Et puis la victoire du Championnat du Monde au Rallye de l’Acropole avec Jean-Luc Thérier.

Rejoindre l’équipe Alpine aux côtés de Jean-Luc, c’était le bonheur ?

Victoire au Rallye de l’Acropole en Championnat du Monde des Rallyes
Jean-Pierre Nicolas, Michel Vial, Jean-Luc Thérier, Christian Delferier et ... l’Alpine A110 N°1 !

CD : Ah la grande équipe Alpine… Callewaert avait arrêté sa carrière d’équipier et je l’ai immédiatement remplacé ! Pour ma part, j’ai disputé une partie de la saison ’73 avec celui que je considère comme le plus grand qui m’ait véhiculé, Jean-Luc Thérier. On a gagné l’Acropole cette année là, quel souvenir ! Et on a fait 5è au Maroc.
Jean-Luc c’est un pote admirable, un vrai drôle, mais attention aux apparences. J’ai rarement connu un type aussi sérieux que lui, et durant les reconnaissances, et pendant la course. C’est un gagneur, un arracheur, un acrobate de génie. Avec son talent il peut se le permettre, il a toujours une petite réserve quelque part. Ah Jean-Luc, que de bons souvenirs ! …

Quoi de mieux qu’un bon vieux film d’époque pour savourer le pilotage de Jean-Luc Thérier sur l’Alpine A110...

En 1974, Christian Delferier reste chez Alpine. Il roulera au Rallye du Kenya et au Rallye du Maroc où il fera 1er avec Jean-Pierre Nicolas, et puis il accrochera encore une belle victoire internationale à son palmarès lors d’un rallye au Etats Unis qui s’appelle le « Press On Regardless » avec Jean-Luc Thérier à bord d’une Renault 17 !

CD : Le P.O.R. c’était un rallye de fou, on a eu un temps épouvantable, de la pluie, du brouillard, sur la terre dans de petites route dans les bois Jean-Luc Thérier a fait la grosse attaque, il a sorti le grand jeu du point de vue pilotage sur la Renault 17 Gordini, qui faisait tout de même 180cv. De plus, pour lui c’était une première expérience avec le tout à l’avant ! Les concurrents sortent, cassent et nous, on gagne !
C’était la première victoire Renault en championnat du monde des rallyes.

Press On Regardless 1974
Le P.O.R. en 1974, première victoire internationale pour Renault.

Christian Delferier va copiloter d’autres grands pilotes dont les noms résonnent dans nos mémoires. En voici quelques-uns …

Gérard Larousse ?
CD : un travailleur infatigable, méticuleux, il allait très vite mais c’est plus un pilote de circuit qu’un rallyman. Sa dernière course, je l’ai vécue, c’était la Corse en 1975 sur Alpine. Nous sommes sortis à quelques kilomètres de la fin de la longue spéciale de 200Km suite à une crevaison lente (NDLR : une des plus longues spéciales du championnat du monde des rallyes). Gérard savait que sa carrière prenait fin et il a fait une gaffe en pensant à autre chose, sa nouvelle vie sans doute. Lors des reconnaissances il est rentré sur le continent durant quelques heures. On l’avait appelé à l’hôtel et je me souviens l’avoir vu partir comme si sa vie en dépendait. Là, je l’ai vu franchement nerveux. Il m’a simplement dit « ne t’inquiètes pas, je ne pars que quelques heures, et quand je reviendrai, tu sera le premier de mes proches à apprendre une grande nouvelle ». Je ne savais pas du tout de quoi il s’agissait. Quand il est revenu, il m’a annoncé que Renault faisait le saut en F1 et qu’il était appelé à diriger l’équipe.

Tour de Corse 1975
Gérard Larousse vient d’apprendre une bonne nouvelle ...

Jean-Pierre Nicolas ?
CD : Un pilote exceptionnel dans le brouillard. Nicolas ce n’est sans doute pas le plus rapide de tous, mais c’est un gars hyper solide. Son moral n’est jamais touché, il se bat tout le temps de la même façon. Un roc !

Guy Fréquelin ?
CD : En un mot, une bête, un grizzli ! (NDLR : grizzli = son surnom) Un gars très sérieux avec une volonté terrible sans cesse capable de se dépasser et de trouver de nouvelles ressources.

Jean-Claude Andruet ?
CD : Dans certaines conditions, Jean-Claude était le plus rapide de ceux que je connais, mais pas le plus constant, ni dans l’attaque, ni dans l’humeur… Disons-le comme c’est, il a un caractère épouvantable. D’ailleurs plus ça va mal, dans son esprit, plus ça va bien. Cela dit, quand son moral est vraiment touché, il est battu d’avance. Et c’est l’inverse dans un jour de grâce. Si il n’a pas de pépin et que la course se déroule sur le goudron, il est imbattable.

Chez Peugeot, des souvenirs grandioses ! 

Les saisons défilent et ne se ressemblent pas. Pour notre baroudeur qui a roulé dans tout et avec tous les français ou presque, qui vont vite, 1978 marque un tournant. Christian sera engagé par l’usine Peugeot. Il gardera d’excellentes relations avec Jean Todt.
De ’78 à ’81 Christian roulera le plus souvent aux côtés de Jean-Claude Lefebvre ; d’abord sur les Peugeot 104 ZS et ensuite sur le coupé V6. C’est l’époque des grands rallyes africains (il avait déjà apprécié le Kenya avec JL. Haxhe) tels que le Rallye des Mille Pistes, le Bandama Rallye de Côte d’Ivoire, le Codasur en Argentine, le Safari Rally au Kenya, le Rallye du Nigéria, et le Rallye du Zaire en 1981 qu’il remporte avec Ambrosino.

Safari Rally 1979
L’aventure africaine avec Peugeot et Jean-Claude Lefebvre

CD : On a toujours dit que Lefebvre est un petit peu moins vite que les autres. Je n’en suis pas si sûr. Il n’a sans doute jamais eu les meilleures autos du moment. En tous cas, ce dont je suis certain, c’est qu’il a un profond respect de la mécanique. Nettement moins dur que Mäkinen. C’est le moins que l’on puisse dire !

Sur cette photo, l’on voit une 104ZS avec une belle bosse dans le toit, que s’est-il passé ?

Rallye des 1000 Pistes 1978
Les 104 ZS avaient tendance à piquer du nez... nous avons fait un "soleil"... abandon au Rallye des 1000 Pistes en 1978.

CD : C’était au Rallye des Mille Pistes en ’78, il faut savoir que les petites 104 étaient déséquilibrées lors des sauts sur les bosses, elles piquaient toujours du nez (NDLR : cela était dû à la configuration de la voiture, avec son arrière tronqué, la Peugeot ZS avait plus de poids sur l’avant) et souvent sur les bosses successives de la piste les réceptions étaient difficiles… et là on a fait un « soleil » avec l’auto. Personne n’était blessé, mais c’était l’abandon.

Vous avez fait quelques infidélités à Peugeot à cette époque …

CD : Oui mais toujours avec l’accord de Jean Todt. En ’78 Ragnote m’appelle « Christian je cherche un copilote pour le Rallye de Nouvelle Calédonie, tu es dispo ? » (NDLR : Christian Delferier est ami de longue date avec Jean Ragnotti qu’il aime à appeler « Ragnote ») Et nous remporterons ce safari calédonien avec la Datsun Violet.

Safari Rally de Calédonie 1978
En Nouvelle Calédonie avec Jean Ragnotti et la Datsun Violet, ils gagnent !

On vous a vu a bord d’une Golf diesel aussi !

CD : Avec Dany Snobeck, un jour Dany me téléphone : « J’ai appris que Peugeot ne fait pas le Monte Carlo, tu veux le faire avec moi ? » Je demande à Jean Todt qui me répond « ce doit être amusant ! ». Et on a fait le rallye avec cette Golf diesel, 10 cv en plus et une cinquantaine de kilos en moins. Nous avons pu prendre part à la dernière nuit et nous terminions 50è. (NDLR : A cette époque si un équipage n’était plus dans les temps, il ne pouvait pas participer à la dernière spéciale, la Nuit du Turini).

Amis, fêtes et tristesse... çà laisse des traces. 

Les hommes de rallyes pensent parfois à d’autres choses, les chocolats par exemple !

CD : (rires) Hahaha oui c’est vrai, je voyageais très souvent et j’emportais avec moi des chocolats belges pour les amis dans l’avion, ils adoraient çà ! Il y a la course et puis tout ce qui vient autour. Les reconnaissances, les fêtes, les dîners sympas dans des coins perdus, les amis. On n’oublie pas des trucs comme çà. On se retrouvait entre teams dans les mêmes hôtels, et on prenait nos petits déjeuners ensemble, comme les bières en fin de journées. Il régnait une vraie convivialité entre nous, après, lors de la course c’était chacun pour soi. Il faut savoir qu’à la grande époque j’étais parti au moins 4 mois par an, sans compter les épreuves du weekend… çà laisse des traces.

Salut les Copains du Rallye !
La photo a été prise en 1976 lors du parcours de concentration du Monte Carlo, on pourrait l’appeler « la Photo de l’époque des Copains ». On se retrouve autour de la table chez Jean-Luc Thérier pour un repas très animé avec (de gauche à droite) C. Garnier (journaliste), Michèle Mouton – Jean-Pierre Nicolas – Vincent Laverne (copilote de Nicolas) – Michel Vial (copilote de Thérier) – Marc Andrié (copilote de Ragnotti) – Marie-Claude Beaumont (sur Alpine A110) – Francis Vincent dit « l’indien » (sur Alpine A310) - Biche (copilote de MC Beaumont) – Christian Delférier (copilote de F. Vincent) – Françoise Conconi – Jean Ragnotti (sur Alpine A110) – Jean-Luc Thérier (sur Alpine A310).
Rallye Monte Carlo 1976
Après le repas chez Jean-Luc Thérier, en route avec "l’indien" (Francis Vincent) et la A310

La vie d’un copilote n’est pas toujours sans risque, des mauvais souvenirs ?

Lucien Bianchi

CD : Les mauvais souvenirs c’est quand on perd ses amis en course… c’est toujours douloureux, je repense inévitablement à Lucien Bianchi (NDLR : l’émotion le gagne…) c’est triste. Je me souviens être à table avec Lucien fin ’68, il avait reçu une proposition des usines Alfa et Porsche. Il a opté pour Alfa parce qu’ils offraient un salaire fixe ; et Larousse prenait sa place chez Porsche. Je ne devrais pas dire cela, mais en fait c’était un mauvais choix, parce que Lucien perdra la vie aux essais des 24 Heures du Mans ’69, et Larousse gagnera le Tour de France, le Tour de Corse et fera second au Mans …

Tu n’as jamais eu peur à côté d’un pilote ?

CD : Non parce que je n’aurais jamais accompagné quelqu’un en qui je n’avais pas confiance. Ceci n’empêchait pas de se prendre une bonne sortie de route par saison. La première fois où j’ai été vraiment blessé, c’était en ’77 au San Remo avec Andruet, je remplaçais « Biche » sa copilote habituelle, et on fait une violente sortie de route aux essais. J’ai participé au rallye avec une sorte de corset en plastique me protégeant le dos et les côtes fêlées… (et il n’y avait pas qu’elles qui l’étaient…) il m’est arrivé de souffrir méchamment durant la course, mais je voulais absolument tenir le coup, et plus encore lorsque j’ai senti que nous pouvions gagner.

Une autre fois c’était aux côtés de Vatanen au Dakar, un saut sur une dune et mauvaise réception, et je me fais un tassement des vertèbres. Plus de peur que de mal.

Paris - Dakar 1993
Ari Vatanen & Christian Delferier sur Citroën au Dakar 1993

Début des années ’80, l’époque des RallyRaids ! 

Christian Delferier a toujours été attiré par l’Afrique, on le retrouvera donc logiquement sur le Dakar à côté de grands noms comme Vatanen, Matsuoka, Weber, Salonen, Cowan…
Il se liera d’amitié pour Thierry Sabine et collaborera avec lui sur les reconnaissances du Dakar dans les années ’90.

CD : Thierry Sabine c’était un gars unique. En 1977 il participe au rallye Abidjan-Nice, à moto, il se perd dans le désert de Lybie, et on le retrouve 2 ou 3 jours plus tard. Il apprend que l’épreuve ne sera pas rééditée, et il se dit « je vais créer quelque chose » et ce sera le premier Paris-Dakar en ’78-79. Une vraie aventure.

Thierry Sabine, l’esprit aventure !

CD : En 1985, je fais les reconnaissances du Dakar avec Thierry Sabine, pendant 2 mois à 3 voitures et le travail était partagé. Après 4 ou 5 semaines nous sommes à Bamako, à l’hôtel avec les billets d’avion pour renter et je téléphone à ma femme et lui dis « ... à demain ». Au cours du repas, nous étudions la carte d’Afrique et Thierry me dit « nous faisons la Mauritanie et vous rentrez. Mais… j’ai un problème. Je viens d’avoir l’accord de la Guinée. Veux-tu partir en Guinée ? » Je lui réponds que j’ai prévenu ma femme de mon retour pour le lendemain, mais si tu veux t’arranger avec elle … Il téléphone à ma femme et lui annonce que je repars en Guinée pour 10 jours. Voilà, çà c’est Thierry Sabine !
Nous sommes donc partis, à 2 voitures, sur une piste qui n’avait plus vu un véhicule depuis une trentaine d’années ! Thierry précise que si dans 10 jours, nous ne sommes pas arrivés, il envoie l’armée. Nous avons fait ce tracé qui a été utilisé une vingtaine d’années par après. Nous n’avions pas de GPS, pas de téléphone, c’était l’esprit aventure, l’esprit Sabine !

Chassez le naturel, il revient… évidemment ! 

On vous retrouve de temps à autre sur des épreuves historiques, nostalgie ?

CD : J’aime cela bien sûr, et chaque fois que je prends place dans un baquet c’est avec l’envie de gagner, ou de se classer le plus près du top. La poursuite de la victoire m’a toujours accompagné dans mes aventures. Maintenant je joue au golf, c’est devenu une passion et je cherche aussi à faire du mieux que je peux.

Christian Delferier, beaucoup de beaux souvenirs et d’amitiés ...

Christian Delferier, une carrière de copilote bien remplie et qui se poursuit encore avec les nouvelles technologies, il participera d’ailleurs en 2018 à un rallye pour voitures électriques en Chine ! Plus près de chez nous, il rejoint les team d’assistance pour donner main forte à ses amis pilotes. Une boucle qui le ramène à ses 16 ans lorsqu’il a commencé par... de l’assistance !

« Chassez le naturel, il revient… évidemment ! »

Interview : Bob d’Automag & photos : Philippe Haulet

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