Janvier, c’était aussi le mois du terrible « vrai Dakar » !

Paul Fraikin    2017-01-18 23:42:43   

Les notes de route de Paul Fraikin

Je vous souhaite une Super ’17 ! Pleine de scratches, de podiums surtout, mais avant tout d’être – partout – à l’arrivée : le principal, c’est de ne jamais sortir de la route, ni en rallye, ni dans la vie ! A cet égard, Janvier est un mois capital …
Parlons-en de Janvier ?


Le WRC ’17 sera exceptionnel : personne ne sait où on va ! Aucune voiture n’a pu se comparer à aucune autre … Niché au cœur de Janvier, le Monte Carlo livrera un podium instructif. Mais pas franchement indicatif de ce que sera 2017, car cette saison sera la plus imprévisible jamais vécue et chacun des 13 rallyes sera un mystère.
En effet, les New WRC ’17 sont des bombes volantes qui pousseront les pilotes à leurs limites, pas seulement humaines, mais aussi technologiques : leurs voitures sont devenues des labos aux multiples (voire infinies ?) possibilités de réglage. Par conséquent, à chaque rallye, ils pourront « se gourer ». Même l’invincible Ogier et sa Fiesta … Pour les teams et les pilotes du WRC - c’est certain- , Janvier est arrivé trop tôt ! Ils doivent le détester.

Janvier ! J’aurais aussi tendance à détester ce mois !

Pour moi, pendant 15 ans, il a été souvent crucial, toujours hyper-chargé … Bref plein d’adrénaline.
A l’époque de Champion’s TV, c’est le mois où il me fallait trouver la majorité des soutiens financiers pour que l’émission puisse continuer, et ce n’était pas une sinécure … Un peu comme un pilote en quête de sponsors, je contactais, cherchais, démarchais, envoyais des dossiers, rencontrais, réunionnais, discutais, me réjouissais rarement, m’énervais souvent, désespérais parfois … Et il y avait la RTBF qui me demandait : « Ca va aller ? On continue ? » Car, sans argent venu de l’extérieur, finie l’émission ! Je répondais : « Pas de problème, ça va rentrer ! » Auto-persuasion, self-motivation ? Bien sûr ! Combien de fois n’a-t-on pas dit à la FIA, à propos de l’achat des droits TV du WRC : « Envoyez-nous le contrat, on va payer ! » … Mais, comme on n’avait pas assez de sous, on ne payait pas illico ; alors on partait quand même au Monte-Carlo, mais accrédités sous réserve « de bonne fin » … Et les discussions avec un certain Bernie (ben oui, le fameux Bernie ! ) se prolongeaient jusqu’au podium de départ, puis les jours suivants, entre 2 spéciales, en voiture, par gsm, par fax … Parfois, elles n’aboutissaient pas avant la fin du rallye ! Et on ne pouvait diffuser les images que sous réserve « de bonne fin » … Je ne vous dis pas le stress … Mais ça a toujours fini par s’arranger, parfois en février ou en mars ! En attendant, courir partout pour filmer des actions et faire des interviews de Bruno, Freddy, François (et des autres), sans certitude de pouvoir les diffuser, n’est pas drôle …

Janvier, c’était aussi le mois du terrible « vrai Dakar » !

J’ai participé à plusieurs Paris-Alger-Dakar ; mais celui qui me laisse les plus grands souvenirs, c’est celui de 1986, que j’ai disputé en course sur un Toyota BJ 46 Landcruiser avec Yvan Vannevel, garagiste à Luttre – Liberchies.

Paris-Alger-Dakar 1986, les plus grands souvenirs sur un Toyota BJ 46 Landcruiser avec Yvan Vannevel.

Depuis des années, cet engin servait de dépanneuse (et de bonne à tout faire) au garage d’Yvan ; baptisé "grand-mère", il avait 250.000 km au compteur. Et aussi 6 Dakar comme increvable véhicule d’assistance. Comme Yvan avait justement déjà « loupé » ces 6 Dakar d’affilée avec ses protos Citroën, je l’ai convaincu d’engager sa « Grand-Mère » en course.
Prête à partir, elle pesait 2,7 tonnes (avec toutes les pièces de rechange, et en plus une malle de 100 kg de médicaments qu’on s’était engagé a déposer - et on l’a fait ! -,

sur les bords du fleuve Niger, entre les mains des Touaregs de Menaka).
Avec notre n° 477 (quasi le plus gros n°), nous nous sommes traînés lors du prologue à Cergy-Pontoise : 250e, nous avons réalisé que nous n’avions quasi aucune chance d’être à l’arrivée ! Car le 1er jour (et les suivants forcément) nous allions être lâchés en spéciale vers 15h, c’est-à-dire juste avant la tombée de la nuit … La seule solution pour essayer de s’en sortir, c’était de rouler calmement, de ne jamais s’arrêter et de se relayer non-stop au volant.
Pendant 10 jours, on a donc roulé essentiellement la nuit et on s’est fait tous les déserts à la lumière des phares, notamment l’épouvantable Ténéré ! Chaque jour, on démarrait dans l’après-midi, et on arrivait vers midi le lendemain, alors que le bivouac était démonté ! On mettait 300 litres de gasoil, on sortait de nos caisses quelques bouteilles d’eau et quelques sachets de fruits secs, et on repartait. On se tapait des journées de 20 heures à 50 km/h de moyenne ... Ca a duré 10 jours ! Quasi sans dormir …

Quand je copilotais, il m’arrivait même de filmer, un peu pour passer le temps, beaucoup pour rester occupé et rester en alerte ... Mais on n’a connu aucun souci : ni ensablement, ni crevaison, pas même un égarement... Par contre, on en a vu des crashés, des plantés, des abandonnés, des paumés, des désespérés, des paniqués … Tant et si bien qu’à la mi-parcours, à Niamey, on était 75e !

A la mi-parcours, à Niamey, on était 75e !

Mieux : après l’étape-marathon de Labé en Guinée (une étape démentielle de 1.250 km qu’on a bouclée en 25 heures non-stop), on était ... 7e (eh oui, 7e ! ) au général !!!
Comment est-ce possible, me direz-vous … Et bien tout simplement parce que les 9/10e des 80 rescapés s’étaient plantés, perdus, posés ... ou arrêtés, épuisés ; bref, avaient abandonné !
Mais « ils » ont neutralisé pendant un jour pour « laisser revenir » les survivants. Pire : « ils » ont annulé cette monumentale spéciale casse-peloton, et « ils » ont même supprimé toutes les pénalisations !!! On s’est donc retrouvé à nouveau 70e ! Dommage, car les 6 caisses qui étaient devant nous étaient des « usines » (les Porsche de Kusmaul, Ickx, Metge ; les Mitsu de Cowan, Shinozuka et le Range de Bouvy) qui n’avaient plus de camions, plus d’assistance, donc plus de pièces, donc peu de chances de finir... Imaginez-vous ce qu’on aurait pu faire...

« Ce rallye ... ce sera l’enfer ! » ...

Thierry Sabine avait dit : « Ce rallye sera infaisable ; je rêve qu’il n’y ait ‘’personne’’ à l’arrivée... ce sera l’enfer ! » ... Terrible prémonition : c’est lui qui y est "resté" ... Puisque c’est justement cette année-là que son hélico s’est crashé ... En voyant les débris, on a tous pleuré. Nous avons certainement regretté sa disparition plus que

quiconque car, s’il avait échappé à ce crash, il n’aurait sûrement pas neutralisé, 2 jours plus tard, à Labé, on serait reparti à 7 voitures et peut-être qu’une seule voiture serait arrivée à Dakar ... Incroyable mais vrai, non ?
Cependant, soyons honnêtes : on n’y serait peut-être jamais arrivé non plus car, l’avant-veille de l’arrivée, on s’est embourbé jusqu’au milieu des portières dans le delta du fleuve Sénégal ... Et il a fallu 2 ou 3 concurrents rivaux pour nous extirper de la mélasse …
Finalement, on a terminé 35e ! 35e à … 52 h. de Metge ! En fait, on a roulé 2 journées en plus que lui, soit 23 jours complets !

La veille du podium, on a eu l’honneur de partir dans la dernière spéciale, celle de la plage du Lac Rose, aux côtés de l’Opel gr. B de Colsoul - Lopès ... Je ne vous dis pas la fierté ! Je crois qu’on a pleuré - de joie, de soulagement, d’émotion - presque pendant toute la spéciale. Et encore longtemps après être passé sous la banderole « Finish » ! Car, au-delà de la délivrance d’avoir pu finir ce qui fût le plus dur Dakar de tous les temps, on avait aussi signé un vrai exploit : gagner en surclassement - et avec un véhicule 100% d’origine ! - la catégorie Proto - diesel ! Mais pourquoi étions-nous en Proto alors que notre Toyota était 100% d’origine - et de très-très vieille origine - ? Et bien parce qu’avant le départ, Yvan avait préféré remplacé la capote en toile d’origine par une tôle rigide ! On avait beau être plus lourd, on s’était retrouvé en Proto, face à de vrais Protos allégés, boostés, dopés ... Mais on les avait tous battus !

Cependant, juste avant la remise des prix, le classement a été bidouillé ! Par un coup de baguette magique, 21 h de pénalisations ont été supprimées à un équipage féminin français, et c’est lui qui a été appelé sur le podium pour y recevoir « notre » Trophée et « notre » Prix ! (NB. Il s’agissait quand même d’une Fiat). Nous étions tellement consternés, ébahis, incrédules - et surtout crevés – que nous restés muets, KO ! Et nous n’avons même pas déposé de réclamation …
Avec le temps (c’était il y a 31 ans), on finit par se dire que ce n’est pas grave, car nous, nous savons que c’est nous qui avons gagné !

Gagné ? Perdu ? Au fait, j’y ai perdu 17 kgs ( ! ) en 21 jours, mais j’y ai gagné un ami car si, avec Yvan, nous étions partis en copains, nous avons terminé en inséparables amis.
Merci Yvan, « Monsieur Vannevel » !
C’est quand tu veux...

Paul Fraikin.

NB. A l’époque, on était increvable ! Sitôt rentré de ce Dakar, j’ai mis le cap sur Spa pour y disputer les Boucles avec Sylvie Rigot (charmante speakerine RTBF et surtout grande amie) … Dans la tempête de neige, on a terminé 35e ! Et c’est Yvan qui faisait notre assistance …

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