Les Cyclecars à l’honneur à l’Interclassics Brussels (première partie)

Benoît Piette    2017-12-14 13:56:54   

La qualité exceptionnelle de cette exposition inédite résidait surtout en un panel très représentatif des principaux cyclecars que l’on pouvait déjà croiser dans les rues et sur les circuits il y a une bonne centaine d’années.


Mais au juste, qu’est-ce un cyclecar ?

Avant la Grande Guerre, posséder une voiture était exceptionnel et surtout réservé aux personnes fortunées. C’était encore plus le cas pour participer à des courses automobiles.

Pour palier à cette discrimination qu’on qualifierait aujourd’hui de sociale, certains constructeurs proposent des voitures légères dont les caractéristiques les font plus ressembler à des motos à trois ou quatre roues, celles-ci seront appelées cyclecars.

BNC 527 "Grand Sport"- 1927
BNC = "Bollack & Netter Compagnie"

En France, une loi promulguée en 1920 prescrit une fiscalité adaptée pour ce genre de véhicules pour autant que leur poids reste inférieur à 350 kg et leur cylindrée inférieure à 1100 cm³.

Pour alléger au maximum le cyclecar et rester sous la barre des 350 kg, beaucoup ne s’embarrassent pas de marche arrière ou même de différentiel, rendant la conduite particulièrement… hasardeuse.

La disposition des sièges en tandem n’est pas rare, comme ce Bédélia de 1910 où le passager se retrouve étrangement à l’avant, comme les “aéroplanes” de la même époque…

Très rustique, la variation de vitesse s’opère par des courroies attaquant des poulies solidaires des roues arrière.

Par un levier, le chauffeur fait varier la vitesse… en avançant ou reculant l’essieu arrière !
La plus grande « vitesse » est atteinte en reculant celui-ci au maximum…

Mais la chose la plus extravagante reste encore sa direction : celle ci s’effectue par “cheville ouvrière”, c’est à dire comme les charrettes tirées par des chevaux !
Toutes ces bizarreries n’empêcheront pas Bédélia de s’illustrer brillamment dans de nombreuses courses entre 1911 et 1914, en remportant notamment en 1912 le meeting du Mans et le Tour de France en catégorie “cyclecar” !

Toutefois, un avantage : la disposition arrière du conducteur permettait de la convertir aisément en civière motorisée...

Un joyeux engouement

L’enthousiasme pour ces véhicules relativement peu onéreux explose et la plupart des constructeurs suivent le mouvement afin d’augmenter leur part de marché.

La Peugeot BP1 appelée « Bébé » en est un exemple : conçue par Ettore Bugatti , cette voiturette a été présentée par Peugeot au Salon de l’Automobile de Paris en 1912.

Malgré sa petite taille (2,60 m), elle s’avérait en avance sur son temps comme en témoigne sa suspension arrière en demi-cantilever inversé qui sera reprise sur les modèles « Grand Prix » de Bugatti.

Bien que Bugatti ait initialement prévu une transmission à quatre rapports, la Bébé Peugeot sera finalement équipée avec une boîte à deux vitesses puis trois dès 1913.

Son moteur, un quatre cylindres de 856 cm³ est très avant-gardiste pour l’époque : il est coulé d’une seule pièce avec d’un coté la carburation, de l’autre l’échappement. Il développait 10 ch, ce qui lui permettait d’atteindre 60 km/h.

La Bébé Peugeot a été vendue en un peu moins de 3100 exemplaires. Une trentaine d’exemplaires subsistent encore aujourd’hui…

Toujours chez Peugeot, voici une des premières Quadrilette type 161 de 1921 appartenant à la Collection Mahy de Leuze-en-Hainaut.

Propulsée par un quatre cylindres de 667 cm³ qui lui permettait d’atteindre les 60 km/h, elle a été vendue en 3500 exemplaires.

Encore de la collection Mahy, voici un rarissime cyclecar monoplace AVA de 1914 . Il est propulsé par un monocylindre de Dion-Bouton .

De l’autre côté de la Manche, voici un Tamplin de 1921 propulsé par un bicylindre en V de 980 cm³ de fabrication JAP.

Sa transmission se réalise par courroie et sa fragile suspension avant est déjà à roues indépendantes. La carrosserie est construite en triplex renforcé. Les passagers sont placés en tandem mais de manière plus rationnelle que le Bédélia.
Cette firme établie au départ dans le Middlesex a construit des cyclecars de 1919 à 1925.

D’aspect fragile, les cyclecars n’inspirent pas confiance à certains constructeurs qui veulent malgré tout pénétrer ce marché en proposant quelque chose de moins rustique en se rapprochant de la structure d’une automobile traditionnelle.

La marque française Ariès de Villeneuve-la-Garenne est un exemple. Fidèle à sa philosophie, son patron, le Baron Charles Petiet voulait conserver avec sa gamme « CC » les caractéristiques des cyclecars, tout en s’en distinguant par une construction soignée et plus robuste.

C’est ainsi qu’apparaissent en 1915 le modèle CC de cylindrée unitaire, puis CC2, CC2N ou encore CC2-3.

A noter que la marque au bélier construit également des poids lourds comme des camions et des autobus que la firme exporte jusqu’en Amérique du Sud.

La firme Ariès (bélier en latin) s’est distinguée avant guerre par ses véhicules à la fois sportifs et luxueux de cylindrée moyenne qui connurent plus qu’un succès d’estime : des taxis Ariès circulent même à New York !

L’Ariès présentée est une CC2 de 1922 dont sa particularité était le refroidissement mixte du moteur qui s’effectuait à la fois par air (les cylindres) et à eau (la culasse). Ce quatre cylindres dispose aussi d’un arbre à came en tête.

En 1938, après 35 ans de construction automobile, ne désirant pas voir Ariès se faire absorber par un concurrent, le Baron Petiet décide de déposer le bilan.

La marque Ariès appartient actuellement à PSA : son histoire et son excellente réputation aurait pu la faire renaître quand il a été question d’ajouter une marque premium au binôme Peugeot-Citroën  : cela aurait été moins embrouillé que de créer artificiellement la marque DS Automobiles au succès plus que mitigé et dont les immatriculations annuelles jusqu’au mois dernier ont encore baissées de 33 % par rapport à l’année dernière, rejetant ainsi la marque dans le fond du classement… (statistiques novembre FEBIAC)

Mais il est vrai qu’il y a eu déjà un fâcheux précédent avec Talbot ...

Gravitant autours de ces acteurs majeurs et profitant de ce régime fiscal avantageux, une kyrielle de petits constructeurs ou de bricoleurs audacieux proposent des véhicules quelquefois étranges où le meilleur côtoie le pire.

Voici une Villard 29A de 1929.

Contrairement aux Morgan ou aux Darmon, ce tricycle a la particularité d’avoir à l’avant une roue directrice et motrice.
C’était donc une traction avant !

La société Villard a produit ce genre de véhicule de 1925 à 1935.

Et voici pour terminer ce premier aperçu, un cyclecar Benjamin type H de 1926 . Il est propulsé par un bicylindre quatre temps de 614 cm³ accouplé à une transmission à trois vitesses.

La société Benjamin établie à Asnières a construit des cyclecars sous son propre nom puis, suite à une restructuration sous le nom de Benova à partir de 1927. A la même époque, la firme déménage pour s’établir à Gennevilliers. Hélas, deux ans après, elle fermera définitivement ses portes.

Dans la seconde partie de cet article, nous évoquerons les participations des cyclecars aux compétitions automobiles.

à suivre

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