A bâtons rompus avec Guillaume De Ridder.
, 2018-05-04 09:06:34
L’an passé, pour sa première saison en RX2, Guillaume a dévoilé ses talents.
Venez découvrir un jeune homme passionné, un pilote très intéressant.
Guillaume, quel est le programme RX2 ?
Mettet, Silverstone, Norvège, Suède, Canada, France et Afrique du Sud.
Après Lydden Hill, Silverstone reçoit le RX. Toute son infrastructure permet d’accueillir un festival, des foodtrucks, plusieurs activités variées. Comme à Goodwood, c’est génial pour les spectateurs.
Par contre, pour le circuit en lui-même, je pense que Lydden Hill était mieux. J’ai roulé en essais à Silverstone il y a quelques semaines et ce n’est pas le circuit le plus amusant. Il est étriqué avec peu de parties rapides et les virages s’enchaînent comme ceux de karting.
Le plus beau circuit ?
Difficile de répondre, ils ont tous leurs spécificités. J’adore Mettet car c’est mon circuit à la maison et c’est toujours une impression particulière.
Pour le tracé en lui-même, j’aime Höljes en Suède avec deux gros jumps. Et ça, j’adore. En rallye aussi, j’adorais les jumps. La Norvège avec la longue partie terre en devers très rapide est intéressante. Tous les circuits ont leurs particularités et il est difficile d’en choisir un.
En RX2, nous ne participons pas à toutes les manches RX pour limiter les coûts. Le hardware est imposé, châssis, moteur, suspensions, train roulant. Le design diffère. La seule intervention autorisée concerne le set-up du châssis, ce qui offre de multiples possibilités.
Par exemple, la cartographie peut être contrôlée à chaque course par un ingénieur unique mandaté par le promoteur du RX2. Comme le moteur est ‘intouchable’, la puissance varie peu d’un moteur à l’autre. J’ai pratiqué plusieurs compétitions monomarques et c’est la première fois que je trouve une telle équité.
En rallye-cross, il est facile de constater les différences de puissance car nous partons à 5 de front sur la même ligne. Au Canada, la ligne droite au départ est tellement longue que j’y passe la sixième. Je suis à côté de Cyril Raymond et nous restons côte à côte sur cette ligne droite.
La puissance varie entre 310 et 320 CV pour un poids max de 1200 kg, pilote compris. Toutes ces contraintes permettent de garder une grande égalité, c’est la volonté des organisateurs. Au sein des écuries aussi, ce principe est admis facilement. Les responsables préfèrent voir leur pilote deuxième ou troisième en sachant que c’est mérité que de gagner en ‘trichant’. Tricher est la mort de la série.
Par contre, rouler pour le team qui est à l’origine de la série et qui construit les voitures présente des avantages concernant l’expertise, l’expérience du set-up. Le pilote doit aussi transmettre son ressenti, son feeling, ses informations. En RX2, nous disposons de deux fois quatre tours avant chaque course en essais libres.
La saison dernière, j’ai découvert et appris les circuits, adapté le set-up progressivement. Je considère qu’il était au point pour les deux dernières courses de l’année. Pour le novice, le temps d’adaptation est extrêment court. Mon expérience en rallye m’a beaucoup aidé car la faculté d’adaptation est primordiale. Il faut être rapide tout de suite. Cette année sera plus facile et je pourrai encore plus me concentrer sur la mise au point.
Le circuit est du rallye en conditions idéales, sans surprise. Le pilote de rallye est souvent plus complet. Il doit rouler sur asphalte, terres de différents types et aller vite après peu de reconnaissance. Le rallye m’a apporté le pilotage plus complet, la capacité d’adaptation. Le circuit, lui affine la précision, le ressenti pour la mise au point. Le RX est le mix parfait entre ces deux disciplines. La bagarre en peloton et la stratégie de course, je les retrouve ici.
Le ‘joker lap’ augmente les possibilités et demande une réactivité importante. Beaucoup de paramètres interviennent pour adapter la stratégie. Je pensais simplement le prendre au début si je suis derrière et à la fin si je suis devant.
C’est bien plus complexe et ça dépend aussi des autres pilotes. Suivre un autre pilote dans le joker lap, c’est s’engager à rester derrière. S’il est rapide, OK. Sinon, c’est une perte de temps. Je travaille toujours par anticipation. J’aime tout contrôler. Je prépare plusieurs scénarios en tête. Il est rare que le scénario idéal se déroule et je prépare d’autres choix. Je sais comment réagir si le départ est bon ou mauvais.
Avec mon spotter, je les mets au point. Dans une tour pour avoir une vue complète du circuit, le spotter est en liaison avec le pilote pendant la course. Il dispose des informations sur les chronos, les écarts et du recul que le pilote n’a pas. Il conseille mais la décision reste au pilote en piste. De plus, nous n’avons pas de rétroviseurs panoramiques comme en Supercar. Il m’indique si je dois fermer la porte ou si je peux prendre la trajectoire idéale. C’est un copilote à distance. La communication se fait par des mots-clés.
Comment expliquer d’aussi bons résultats l’an dernier sans expérience ?
Je suis le premier surpris. Avec Koen Pauwels, mon coach et M. Rallye-Cross en Belgique, nous pensions qu’arriver en demi-finale, parmi les douze premiers, ce serait bien. Et tout de suite, les résultats ont suivi. Avec mon expérience, j’ai ressenti la science de la course. Certains pilotes sont très rapides mais cela ne suffit pas. J’ai la maturité, la stratégie de course du karting et le temps d’adaptation très court du rallye.
Dès le début, tout s’est mis en place et j’ai été à l’aise. Pour ma première course à Mettet, j’avais tout à découvrir. J’ai été prudent, un peu trop prudent pour ne pas casser la voiture et apprendre. Ainsi, j’ai réalisé des deuxièmes, troisièmes chronos encourageants.
Dès la deuxième course à Lydden Hill, je me suis positionné comme troisième pilote pendant tout le week-end, derrière Cyril Raymond et Dan Rooke. Cette progression a continué toute l’année et c’était le plus important pour moi. Faire un résultat est intéressant mais mon objectif principal était de progresser à chaque course pour arriver à me battre devant, comme en France et en Afrique du Sud. A Loheac, je loupe la victoire de peu. En Afrique du Sud, j’ai mené samedi soir d’une manière ‘facile’. Le set-up était au point. Partant quatrième, j’ai patienté un peu et j’ai pu recouper la trajectoire pour sortir deuxième au départ.
Cette année, le plateau sera très compétitif. Je ne pense pas qu’un champion comme Cyril Raymond ( parti en SuperCar ) sorte encore du lot. Les places seront plus chères avec plusieurs vainqueurs différents. Mon coéquipier Oliver Eriksson, champion RX2 aux Etats-Unis en 2015, a roulé en SuperCar et revient en RX2. C’est un gros client et je pourrai partager son expérience. Des coureurs viennent du Global RX en RX2. Beaucoup de beau monde pour 18 voitures engagées à l’année.
Avec les pilotes locaux, le maximum de 25 risque d’être souvent atteint. En SuperCar, vous avez le World RX pour les teams pro, d’usine et l’Euro RX, catégorie parallèle pour les teams privés avec des coûts moindres. Le RX2 est clairement l’antichambre du World RX. Pour preuve, l’implication de la FIA qui reprend le contrôle de cette compétition.
En RX2, il n’y a pas de restriction pour les essais mais le problème du budget est toujours présent. Donc, il faut jouer avec ses armes le plus professionnellement possible. L’an dernier, je devais participer aux 5 manches européennes. Grâce à Zélos et aux bons résultats, le budget pour ces deux manches supplémentaires a pu être bouclé. Mes concurrents roulaient beaucoup plus que moi, en participant à 12, voire 15 courses sur plusieurs championnats. En tout et pour tout, j’ai fait deux jours de test en Suède avant la saison et 7 courses.
Comment es-tu venu au RX ?
J’ai connu un parcours atypique. Passer en rallye après le kart, peu de pilotes le font. En rallye, nous nous sommes débrouillés pour organiser notre programme et réunir les budgets. Je m’investis toujours à fond, je mise sur l’apprentissage du pilotage plutôt que sur les résultats.
En kart, par exemple, j’aurais pu rester dans une catégorie où je savais que j’allais briller. J’ai toujours favorisé le passage vers une catégorie supérieure pour me mesurer à des pilotes plus expérimentés. C’est ainsi que l’on apprend.
Pareil pour le rallye. J’ai roulé en Belgique avec de bons résultats mais nous avons décidé d’aller en France pour apprendre la terre, pour rouler avec un seul passage de reconnaissance et pour côtoyer des pilotes de renom. Sans résultats exceptionnels, j’ai progressé avec la volonté de rechercher la difficulté. J’ai toujours été comme ça.
J’ai réagi de la même manière pour les études. Pourquoi ingénieur ? Pour réaliser mon rêve d’arriver en F1. Je voulais y arriver comme pilote. Sans les budgets, j’ai compris que je ne pouvais y parvenir qu’en travaillant. Mécano ou ingénieur ? Je vise au plus haut. Aux études comme en sport, je cherche la difficulté pour progresser.
Même attitude en RX quand nous préparons la saison avec Koen Pauwels. J’ai choisi le RX2 et Koen m’a suivi et a précisé : « C’est un gros pari et ce ne sera pas facile. » Lucide, intelligent, avec une bonne vision du sport et de ses à-côtés, il m’a soutenu et continue à le faire. J’ai énormément de chance qu’il soit avec moi.
Donc, le RX, pourquoi ? Je suis en rallye et je participe aux négociations pour obtenir le volant Skoda. Avec mon papa, nous avons réalisé ce projet et l’avons porté presque à son terme. Malheureusement, il ne s’est pas concrétisé pour nous. Déçu, je décide d’arrêter la compétition. Le boulot, l’entraînement physique après le boulot, les diverses préparations liées à la compétition, les sacrifices de mes parents pour un tel résultat, stop !
Pour ce volant Skoda, j’ai approché Zélos. Le contact est excellent avec Freddy ( Tacheny ). Freddy est l’homme qui déplace des montagnes avec peu de moyens. La présence des pilotes belges, confirmés et espoirs en Moto GP en est une preuve. Zelos a peu de ressources en rallye et Freddy regrette que je ne veuille pas essayer le RX, domaine où ils sont bien présents. J’en reste là.
Pendant deux semaines, je pense uniquement au boulot. Mais piqué par le virus de la compétition, le naturel revient vite, très vite. La compétition est une part de ma vie, je ne peux arrêter. Avec le peu de budget qui nous reste, je peux envisager 2 ou 3 rallyes R5 en Belgique, la saison en 208 Rallye Cup, sans grand avenir. Alors, pourquoi ne pas essayer le RX ? J’ai assisté aux manches précédentes à Mettet et je trouve que ces voitures doivent être agréables à piloter.
Notre budget devrait me permettre de participer à Mettet et peut-être à une deuxième course. Je téléphone à Freddy et lui annonce mes intentions : une ou deux courses cette année et préparer un championnat complet pour 2018. Freddy est content de ma décision et prospecte de son côté. Quelques jours plus tard, il me recontacte : « Avec ton budget et ce que je trouve, tu peux participer à toutes les manches européennes en RX2. Tu roules aussi en SRX Cup. » Voilà comment je suis en RX2, une opportunité géniale que je dois à des personnes compétentes. Freddy est quelqu’un qui s’engage et qui respecte sa parole, attitude rare, en sport comme dans la vie.
L’encadrement ?
Zelos prend en charge la communication, une grosse partie de la recherche du budget, le marketing. Koen, coach technique mandaté par Zélos, négocie avec les teams. Il dispose de nombreux contacts et m’introduit dans les top teams. Pour les réseaux sociaux, je m’occupe personnellement de mon image.
Mon papa, soutien depuis toujours, m’aide encore et toujours à réaliser mon rêve. Il a la tête sur les épaules, les pieds ancrés au sol et est toujours réaliste, objectif. Il n’hésite pas à me remettre les yeux en face des trous. Je dis souvent ‘On’ et ce mot rassemble toutes les personnes autour de moi et surtout mon papa. Je suis conscient des sacrifices réalisés par ma famille pour m’amener là où je suis.
Fixer des objectifs ambitieux et se donner toutes les chances pour les atteindre. Grâce à Zelos, je suis dans un des meilleurs teams et bien encadré. Avec les résultats de l’an dernier, avec l’expérience acquise, l’objectif présenté à Freddy est celui que je veux : gagner le titre. Atteindre le World RX en 2019, avec peut-être un passage par l’Euro RX pour se faire la main, en fonction des opportunités. C’est de plus en plus difficile de concilier le sport et le travail. Je crains l’instant où je devrai choisir.
Le boulot ?
Je travaille chez Renault F1, à Paris. Ce qui y est motivant, c’est la recherche de la perfection. Ce trait de caractère que j’ai toujours développé dans mes études, dans les sports pratiqués, il me sert autant pour mon travail. Toutes les écuries consacrent tellement de temps à ces recherches qu’elles convergent toutes vers les mêmes solutions techniques. La différence tient aux détails. Chacun espère trouver la bonne idée, l’élément d’ingéniosité pure qui fera la différence provisoirement. Tous mes collègues sont ultra-passionnés par la technique, par le sport auto et tous se donnent à fond. Et c’est indispensable. La réactivité est essentielle, primordiale. La F1 reste le top du top au point de vue technologique.
Au point de vue sportif, la voiture prend une place trop importante par rapport au pilote. L’équité sportive est difficile à respecter. Il devient pratiquement impossible qu’un nouveau constructeur se lance en F1 car le trou à combler est très important et augmente régulièrement. Le pilotage en F1 est devenu très complexe. Avant, il suffisait de piloter. Maintenant, il faut tenir compte de la récupération d’énergie, des switchs, de la stratégie. Le pilote doit être complet. Malheureusement, le rendu à la TV est peu impressionnant.
Renault est mon seul employeur jusqu’à présent et je suis fier d’y être arrivé par mes propres moyens. J’ai fait 4 ans à LLN comme ingénieur civil plutôt que 5, suivi d’un programme de double diplôme avec un master complémentaire à Paris, spécialisation moteurs, études et stages en entreprises. Pour être admis à l’école, il faut trouver un partenaire industriel qui paye les frais de scolarité. J’ai harcelé Renault F1 pour obtenir un entretien d’embauche et j’ai été récompensé. Lors de celui-ci, j’ai laissé libre cours à ma motivation naturelle et ma passion pour le sport auto s’est exprimée. Pour Renault, être pilote depuis autant d’années a été un gage de motivation évident.
Les loisirs ?
Un week-end à Paris, c’est agréable avec mes collègues, tous aussi jeunes que moi. J’aime le sport et je consacre beaucoup de temps à la préparation physique. Au rallye du Var sur une spéciale d’environ 30km, mon rythme cardiaque varie entre 160 et 180 pulsations/minute. Il est primordial de rester lucide. Pour le cardio, je pratique le crossfit et le squash.
Sans remarquer le temps qui passe, notre rencontre dure plus de deux heures,
Guillaume est volubile et ses propos sont toujours intéressants. Il vous transmet son énergie, sa passion est contagieuse.
Et vous comprenez rapidement que toute sa volonté tend vers la Victoire en ces tournois modernes.