APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

Philippe Haulet    2012-03-16 13:07:02   


APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

Je suis né le 28-02-1931, dans une famille modeste, avec un papa douanier.
A 16 ans en 1947, j’achète une camionnette Amilcar et je la transforme en conduite à gauche et en cabriolet, avec une particularité pour les pédales : de gauche à droite : accélérateur, frein, embrayage. La plaque d’immatriculation : 804163.

La disposition non-standard des pédales est courante. Ainsi Alborghetti s’est tué à Pau en 1955 au volant de la Volpini car il a confondu frein et accélérateur.

Accident d’Alborghetti sur la Volpini en 1955.

Je poursuis des études de mécanique machines-outils et des cours du soir pour la mécanique automobile, ensuite 3 ans d’humanités techniques à Seraing jusqu’en 1949.
J’entre au travail chez Espérance-Longdoz comme ajusteur.
En 1951, je suis appelé au service militaire pour 21mois dont 18 mois à traduire d’anglais en français, la documentation technique des véhicules anglais et américains.

Je reviens chez Espérance-Longdoz en 1953. Mon papa m’envoie au cours du soir à l’Ecole Normale car il veut me préparer à une carrière dans l’Administration.

Rue du Laveu à Liège, j’ouvre un petit atelier de mécanique et de carrosserie, expérience en carrosserie acquise les samedis et dimanches en travaillant chez 2 patrons différents.

En 1954, j’entre à la brasserie Piedboeuf comme contremaître de 50 ouvriers. Chez Espérance-Longdoz, je suis très bien payé car je mesure le temps nécessaire aux opérations et je contrôle le travail réalisé ; 10.000BEF environ pour un ouvrier et 20.000BEF pour moi.
Arrivé chez Piedboeuf, M. Van Damme, D.G., me demande ma fiche de paie et s’étonne du montant. « Si vous gagnez autant, c’est que vous le méritez. Vous aurez la même paie chez nous. »
Le travail à faire : TOUT, aussi bien construire un camion que le décor d’un café et que les enseignes lumineuses. J’ai acquis ainsi une énorme expérience.

En 1955, j’apprends par un condisciple des cours du soir, que l’Ecole de peinture de Liège ouvre une section ‘ tôlerie’.
Je deviens professeur en tôlerie, avec 2 élèves, en cours de jour.
Chez Piedboeuf, le patron veut me muter à l’embouteillage, je refuse et suis licencié avec environ 100.000BEF d’indemnités.
Je deviens indépendant avec un registre de commerce, rue du Laveu.
Mon atelier a bonne réputation et j’entretiens des voitures spéciales. A cette époque, vidange-graissage tous les 2.000km !
Je partage ainsi mon temps entre les cours du jour , du soir et mon atelier les samedis et dimanches.
Je pense au mariage et veux une voiture à moi : châssis VW et carrosserie faite ‘maison’, en tôle , couleurs rouge et blanche, avec le toit qui se sépare en 2 éléments à ranger dans le coffre. Pour mon mariage en 1958, je fais le voyage de noces en Sicile avec cette voiture.
A ce moment, il n’existe aucun contrôle pour construire une voiture, pas d’agréation nécessaire.

Bruno Vidick est un élève des cours du soir, toujours bien habillé, qui me dit : « Ce que je veux, c’est construire des voitures ». Fils du plus gros poêlier de Liège et beau-fils de Raskin, fabricant de presses pour l’automobile, il me présente à son beau-père qui est enthousiasmé par le projet de deux jeunes qui veulent se lancer. « Combien vous faut-il ? » Il nous remet à chacun un chèque de 250.000BEF, à rembourser plus tard. Ainsi naît en 1960 à Herstal, A.P.A.L. (Application Polyester Armé Liège).
Notre premier client est l’entreprise Raskin, nous fabriquons des garants en polyesther pour leurs presses.
Nous fabriquons aussi des clés d’appartement et exécutons des travaux de carrosserie, ce qui est rentable pour nous.
Je quitte l’école pour Apal à temps plein. Un gros client est ADB, à qui nous fournissons des indicateurs d’angle pour aéroport ( boîtier qui contient des ampoules de couleurs rouge et jaune, le bon angle pour atterrir permet de voir la lumière jaune ).
En 1959, la décision est prise de construire un coupé Apal. En 1960, la voiture en tôle ( prototype non-roulant ) est présentée à quelques journaux. Elle servira à la fabrication des moules pour le polyesther. La première voiture en polyesther sort en 1961.

Pour obtenir le N° de fabrication du constructeur, je présente au ministère des photos et surtout, le contrat de D’Ieteren par lequel il nous livre des châssis VW. D’Ieteren récupère les carrosseries. Pour la présentation de cette première voiture, sont présents la télévision et les journaux. Un journaliste part avec la voiture et rentre très vite avec le volant en mains : l’écrou n’était pas serré !

En 1961, 70 personnes sont occupées à la fabrication de voitures de route ( moteur VW ) et de compétition ( moteur Porsche ).
La production d’éléments en polyesther ( autres que voitures ) est très rentable, celle des voitures de route ne rapporte rien mais celle des voitures de course nous coûte. Une voiture Apal en moteur VW se paye 110.000BEF, il faut le double pour le moteur Porsche avec une carrosserie en polyesther de 2mm d’épaisseur. En 1962, je prépare une voiture pour la course Liège-Sofia-Liège soit 5.500km, sans arrêt, à 2 pilotes, 5 jours de course. J’assure l’assistance, ce qui est très pénible.

Liège - Sofia - Liège de 1964.

A cette époque, M. Depouhon veut, pour une amie, une voiture avec tous les éléments Porsche neufs et la carrosserie Apal, donc une Porsche neuve avec notre carrosserie.

Au début des années 60, je rachète à l’Ecurie Nationale Belge, une RS 550 et 1 Emeryson-Maserati qui ont été pilotées par Paul Frère, Lucien Bianchi, Willy Mairesse, Olivier Gendebien, André Pilette.

La RS 550 sert de base à un coupé Apal qui roule en rallyes et en circuits pendant les années 1962 et 1963 avec Pierrot Bonvoisin comme pilote.
Nos meilleurs résultats : en 1964 aux 12H. de Huy sur Apal Porsche, Bonvoisin premier, Charlier troisième et Lejeune cinquième.

Au départ, pour la Fun Cup, Apal a fourni à M. Dubois, les carrosseries, portes et capots.

Apal en compétition.

Apal est partout en Belgique, en rallye avec l’Apal coupé, sur les circuits d’ Europe avec les formules Vee. Apal en a produit 375 en tout, sous forme de voitures complètes et de kits pour les importateurs VW. Ces formules sont équipées d’un moteur VW de 1300cc. Le coupé Apal a roulé en circuit aussi et devance les Porsche 356 car il plus léger de 150kg. La première Porsche avec carrosserie en polyesther est la 904 en 1964.

Formula Vee

Avec plusieurs équipages en Buggy, Apal participe à 3 rallyes par an : le rallye infernal de Paris, le rallye des cimes dans les Pyrénées et le rallye du Haut Bugey dans les Alpes. Dans les Pyrénées, Apal a participé pendant 9 années consécutives et a toujours terminé sur le podium. Prix au premier : 50.000FF, ces récompenses couvrent les frais. En 1978, nous sommes présents avec 25 buggies Mexican. Nos concurrents sont des De Moncorgé, des Baboulin, des Jeeps V8, des Alfa-Romeo, ce qui fait un plateau de plus de 50 voitures.

Ecurie des cimes.

Apal Mexican.

M. Péry comme pilote.

Je suis pilote par plaisir personnel. En 1963, je participe aux rallyes de Belgique puis je dois m’occuper de l’assistance. Je fais les essais pour Liège-Sofia-Liège.

En 1986, je participe à la Targa Florio en Sicile, au Tour de France qui se court alors au plus rapide sur routes ouvertes et à la Coppa d’Italia : 6 jours en Italie sur 6 circuits différents ; la liaison se fait avec la voiture de course. Je participe deux fois, avec une Ferrari Tour de France et une Alfa-Roméo 6C.

En 1971, début des rallyes historiques avec une première au Nurburgring, je suis présent avec une Mercedes 300SL, 50 autres voitures et leur propriétaire. Peu de spectateurs. En 1972, courses à Montlhéry et au Nurburgring. Le succès est présent et la course allemande est reprise par l’Adac.

En 1996, je participe au challenge Ferrari Maserati : 6 à 7 compétitions sur circuit en Europe pour des voitures de course anciennes, tous frais payés par Ferrari aux propriétaires. Gros succès. Plusieurs catégories permettent de niveler les grandes différences entre ces voitures.
Fin en 2005 par manque de budget. J’ai participé à toutes les éditions sauf une, à cause d’un bras cassé. Quelles belles soirées !

Anecdote : je viens de recevoir une lettre de Belgique : quelqu’un a racheté un coupé Apal de 1963 aux E.-U. , mécanique Porsche.
Apal a vendu 3 véhicules aux E.-U. : 2 coupés et une voiture à moteur central.

Petite question ‘quizz’ .

La Ferrari Tour de France que je possède, dispose d’une boîte de vitesse inversée. A ma connaissance, deux exemplaires existent et ont été conçus pour Le Mans. Pourquoi ?

Ferrari Tour de France.

Pour une course d’endurance, les rapports 3 et 4 sont surtout utilisés. Donc, pour gagner quelques centièmes de seconde à chaque changement de vitesse, les rapports 3 et 4 sont placés au plus près du pilote !

Propos recueillis par

Philippe Haulet.

Vos commentaires

  • Le 16 mars 2012 à 18:16, par annie En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    très intéressant ce que ce monsieur a fait de sa vie !

  • Le 9 avril 2012 à 09:15, par Gérard Jean-Luc En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    J’ai très bien connu le premier modèle (modèle 61), mon papa était garnisseur en automobile (indépendant) et c’est lui qui a " habillé" l’intérieur des premières voitures. Cette première est arrivée chez nous et déposée sur des tréteaux pour confectionner les gabarits de garnissage

  • Le 11 avril 2012 à 20:55, par Michel Biquet En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    Est-il normal qu’un buggy, muni de son certificat de conformité Apal, de sa plaquette Apal et de son certificat d’immatriculation belge Apal n° de chassis AP 119**** , n’ait que le n° 119*** sur la poutre du chassis VW (n° correspondant, bien sûr !)

    Merci.

    Michel.

  • Le 1er août 2012 à 21:33, par Jean-Marie Canon En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    J’ai toujours admiré le premier modèle qui est sorti lorque j’avais 15 ans. J’en rêve encore et suis toujours en admiration devant sa ligne qui n’avait rien à envier aux Italiennes de l’époque. A propos, la transformation de la spitfire en coupé par l’adjonction d’un hard-top recouvrant la malle arrière (d’ailleurs déposée) vient elle de chez vous ? C’était une réussite qui précédait le coupe spit vitesse. Bravo pour la vie que vous avez donné à une page de l’histoire automobile belge dans des années où l’on doutait.

  • Le 1er août 2012 à 21:45, par id027205 En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    M. Canon,

    Je transmets vos félicitations à M. Pery.
    Pour la Triumph Spitfire, je pense que vous avez raison.

    Merci,

    Philippe Haulet.

  • Le 10 septembre 2012 à 16:56, par B. DeBusschere En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    J’ai eu la chance de le rencontrer, il y a pas longtemps à Chaudfontaine , et d’avoir possédé une formule Vee Apal.

  • Le 24 septembre 2012 à 23:07, par mr cyprien En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    un grand,immense monsieur,qui a mis sa vie au service de l auto et a construit plus de 5000 buggies.
    toujours aussi passionne.

  • Le 19 octobre 2014 à 10:37, par jean claude refuveille En réponse à : Meilleur souvenirAPAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    Bonjou Edmond
    Ici Jean Claude Refuveille, ton ancien pilote et agent TOD
    Je viens juste de me remémorer les soirées à l’hotel Camou. Quelles rigolades. Je vis maintenant aux Philippines. Si un jour le coeur t’en dit ...J’espère que tu recevras ce message.
    Amitiés sincères

  • Le 9 novembre 2016 à 21:21, par Bruno Van Mol, ingénieur honoraire des Ponts & Chaussées à Mons En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    J’ai fréquenté Bruno Vidick pendant les années 80 lorsqu’il œuvrait pour Schréder à Ans.
    Quel bagout et quel vendeur hors pair ! Je suis heureux de l’avoir rencontré.

  • Le 28 décembre 2017 à 18:57, par noyelle alain En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    J’ai connu Edmond Pery à l’école de carrosserie à Liège dans les année 50 et l’ai occasionnellement rencontré lors de rassemblements de voitures anciennes

    Passionné de voiture, et liégeois j’ai évidemment suivi les évolutions de l’entreprise APAL jusqu’à acheter un buggy Jet vert métallisé du plus bel effet.

    Je garde en mémoire la DKW que l’on voyait assez souvent en ville ainsi que le coupé qui fut une très jolie voiture.

    J’ai acquit très récemment un livre sur le sujet Apal et j’aimerai avoir une dédicace de monsieur Pery.

    Pensez vous que cela soit possible ?

  • Le 29 décembre 2017 à 17:39, par Bob d’Automag En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    réponse à Alain Noyelle : sympa votre anecdote ! Moi aussi j’aimais APAL, et ma première voiture a été un Buggy court vert métallisé ...superbe ! :-)
    Concernant la dédicace c’est évidemment possible, Edmond était présent à la Bourse du Rétromobile Club de Spa où il dédicaçait des livres !! Dommage que vous ayez raté cela !
    Je vous conseille de prendre contact avec Philippe Haulet (qui a écrit cet article) pour arranger cela ... philippe.haulet(ad)automag.be

  • Le 1er mai 2020 à 10:54, par Lory Olivier En réponse à : APAL , à bâtons rompus avec Edmond Péry.

    Bonjour,
    Depuis peu, je suis l’heureux possesseur de l’Apal de Bonvoisin qui a participé aux Douze Heures de Huy entre autres. J’essaie de trouver des photos originales de l’auto durant sa carrière sportive mais aussi son palmarès dans les autres compétitions.
    Idem pour les Apal de Lejeune, Charlier lors du rallye Liège Sofia Liège... Merci à tous.

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