Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

Bob d’Automag, Didgé    2004-12-10 00:00:00   

70 ans de la Traction !


André Citroën : un précurseur !

Mai 1934, la première traction avant Citroën est présentée au public. Son nom lui vient bien sûr de ses roues avant motrices. Jusqu’en 1933, la plupart des véhicules utilisaient la propulsion arrière.

Citroën 7A lors de sa présentation en 1934.

Citroën n’est pas l’inventeur du « tout à l’avant ». Quelques constructeurs avaient déjà tenté l’expérience. Citons la CORD américaine ainsi que des réalisations allemandes telles DKW et ADLER. Mais, rendons à Citroën ce qui lui appartient, le français est sans doute celui qui réunira dans une seule et même voiture autant d’idées innovantes pour son époque.

En 1934, la traction avant a déjà toutes les bases techniques des automobiles modernes : un châssis-caisse monocoque en acier, un moteur flottant à soupapes en tête avec culbuteurs et chemises amovibles, la commande hydraulique des freins, une suspension par barres de torsion, une direction à crémaillère, des roues avant indépendantes et motrices, une boîte de vitesses synchronisée (sur 2è et 3è rapports).

1934, la réclame vantait les qualités de la Citroën 7.

Une voiture moderne...

Ces nouveautés techniques sont l’œuvre d’une équipe d’ingénieurs et de techniciens. A leur tête, un homme de génie, André Lefebvre, jeune ingénieur de 33 ans qui avait déjà travaillé pour VOISIN et RENAULT. Il était convaincu qu’il valait mieux placer le poids à l’avant et ce qui est léger à l’arrière. C’était un visionnaire.

Dès 1934, la Citroën 7 était un symbole de modernisme et d’élégance.

André Citroën lui donne tous les moyens de mener à bien ses études et d’appliquer ses idées. Il adjoint à Lefebvre toute une équipe d’experts dont le designer Flaminio Bertoni, sculpteur à ses heures, qui produira la première version de la Traction dans la pâte à modeler. La voiture moderne était lancée ...

La première traction présentée au public en 1934, n’est pas une « 11 légère » comme on appelle communément toutes les tractions. Elle reçoit le nom de « Citroën 7 », 7 pour 7cv. Avec ce modèle, Citroën entame une nouvelle carrière. Tout de suite, la voiture plait. Elle stupéfie tout le monde par son incomparable stabilité.

Le 5 octobre 1934, à 8h30, le Salon de Paris ouvrait ses portes. Citroën était prêt pour présenter ses nouveaux modèles au public impatient.

La gloire et la faillite !

La traction, voiture de conception géniale, a fait la gloire de la marque au double chevron mais occasionna également sa faillite et manqua d’être un de plus gros échec commercial de l’histoire de l’automobile.

André Citroën, poussé par les difficultés financières résultant des investissements nécessaires à la production en grande série de sa voiture, décida de sortir la « 7 » alors que sa mise au point n’était pas définitive.

La Citroën 11B modèle 1938. Remarquez l’ancien modèle de capot à "clapets" pour le refroidissement.

Cette décision occasionna bien des déboires aux premiers propriétaires : bris de cardans, suspensions qui se tortillaient, coques qui se déchiraient, cylindrée du moteur trop faible (1300cc) pour compenser les inévitables pertes de puissance dues au système hydraulique. Pour couronner le tout la « 7 » connaît également des ennuis de transmission. En effet, le constructeur français avait prévu une boîte de vitesses automatique. Celle-ci n’étant pas au point en temps voulu, c’est en catastrophe que fut conçue une boîte manuelle à 3 rapports.

La Traction existait en version Roadster, ici un exemple du millésime 1938.

La 22, le rêve non abouti !

Ambitieux, André Citroën souhaitait couronner la gamme d’un modèle de prestige équipé d’un moteur V8 de 22cv : ce sera la Traction 22 !

Cette auto, qui sortira en 1934, sera basée sur la coque de la 11, mais toute la partie avant de la carrosserie sera différente, notamment avec le montage des phares intégrés dans les ailes, d’un capot à un seul volet, d’une calandre bombée arborant le monogramme « 8 » rappelant qu’elle abrite le moteur 8 cylindres en V.

Sur le stand Citroën présente 12 voitures, dont une Berline 22, une limousine 22, et le fameux roadster 22.

Ce moteur était en réalité une composition de deux blocs 4 cylindres de la traction 11 assemblés en V. Ford avait lancé sa V-8 en 1932. C’était une voiture silencieuse et souple avec de très bonnes reprises ; Citroën désirait aussi un V8 pour placer dans une traction luxueuse. Pour le reste de la conception technique, on retrouve les critères de la 11 avec une boîte de vitesses à 3 rapports et une suspension à barres de torsion.

On ne connaît que cinq versions qui ont été présentées aux salons de l’année 1934, une berline, une familiale, un roadster, un cabriolet et un faux-cabriolet. Deux de ces voitures étaient munies de V8 Citroën, les autres étaient équipées du moteur Ford V8. La 22 préparée dans la frénésie des problèmes financiers exposés ne fut jamais tout à fait au point.

Elle était annoncée comme pouvant atteindre une vitesse de pointe de 140 km/h. Elle devait devenir la voiture du siècle, et certainement la traction la plus rapide du monde.

L’obsession de nombreux collectionneurs, la Citroën 22 à moteur V8 !

Le projet sera abandonné fin 1934. A t-elle jamais été vendue à un ou plusieurs clients ? Le doute subsiste, et les avis divergent mais certains faits laissent à penser que oui.

La voiture fait maintenant figure d’objet mythique et est l’obsession de nombreux collectionneurs Citroën, toujours à l’affût de la moindre information à son sujet.

Un stock de pièce qui devait être détruit aurait été sorti en fraude de l’usine. Le mystère de la Citroën 22cv de 1934 reste entier...

Michelin rachète Citroën.

En 1935, la société au bord de la ruine, est rachetée par MICHELIN. Il faudra attendre le salon et la prise totale du contrôle de la société pour qu’interviennent les nombreuses modifications techniques ayant pour but de parer au plus pressé.

Ceci dit, la conception générale de la traction n’était pas en cause. Cela se confirma par la suite avec une carrière de 23 ans. La 11 et puis la 15 six cylindres vont prendre le relais.

Lancée avant d’être au point, la traction ruina son créateur, mais elle avait pourtant bien des mérites.

A l’époque ou beaucoup de voitures avaient encore une structure en bois, Citroën était déjà passé à l’acier dès 1920. L’absence de châssis sur la traction permettait d’abaisser la voiture et de réduire considérablement son centre de gravité. Avec le moteur et la boîte placés à l’avant, la traction pointait allègrement à 100km/h en se moquant des virages qu’elle prenait à des allures déconcertantes. A cette époque une telle vitesse était encore réservée aux voitures sportives et aux bons pilotes.

Les Tractions font toujours bonne figure lors de nos balades organisées. Ici une 11 de 1953.

Après la guerre.

La traction va connaître une carrière mémorable et aura transporté une génération de Français. Pendant la guerre 40-45 elle sera utilisée par les forces occupantes, mais fut aussi appréciée par les F.F.I. pour sa rapidité et sa maniabilité exemplaire. Elle est restée pendant de longues années une valeur sûre pour les automobilistes exigeants, qu’ils soient notables, commerçants, paysans, pères de familles, ou même ... gangsters !

La Traction garde de nombreux adeptes fidèles, en Hollande, en France comme en Belgique.

Lorsque les Français purent redécouvrir l’usage de l’automobile, après ces longues années de guerre, la traction avait vieilli. La production automobile Française était à l’arrêt ou au ralenti durant 5 années.

Vous reconnaissez une 11 BL de 1948, avec une calandre modifiée (Foucher-Creteau) à inspiration américaine.

Dès 1946, les très modernes FORD MERCURY, OLDSMOBILE, CADILLAC et autres CHEVROLET faisaient une entrée en force sur le marché européen. Toutes ces voitures avaient les ailes intégrées à la carrosserie, la calandre horizontale (nous n’avions encore jamais vu cela !) et bien d’autres aspects techniques modernes « made in outre-atlantique ».

Après la guerre, certains carrossiers ingénieux adaptent la Traction pour la rendre plus jeune, et surtout au goût du jour.

En France, bon nombre d’automobilistes sont restés fidèles ou se sont intéressés à la traction. On vit apparaître dans les premières années de l’après-guerre une multitude d’adaptations mécaniques et esthétiques qui avaient pour but de faire paraître la voiture plus luxueuse et plus moderne. Cela allait de la calandre spéciale à la transformation totale des ailes, en passant par une boîte 4 rapports, des cardans permettant un angle de braquage plus ouvert, la boîte électromagnétique Cotal, le sélecteur Girard, la suspension Grégoire ou Flexmobil, et les artisans transformateurs de berlines décapotables et carrosseries spéciales avaient leurs adeptes. Les petits défauts furent corrigés comme la suspension un peu dure et le coffre trop exigu. De nombreux propriétaires remplacèrent simplement le capot à clapets par un capot à chevrons plus jeune.

Voici un roadster équipé d’éléments de carrosserie E.T. (Emile Tonneline).

La production de la traction s’arrêta en 1957 avec au compteur près de 759.000 unités. Entre-temps deux autres mythes Citroën s’étaient déjà installés : la 2cv et la DS. On les doit également à Lefebvre et Bertoni.

La dernière Traction quitte la chaîne de montage en 1957. La page est tournée, et l’on parle déjà de la DS.

Quelques grandes dates :

1934

 Mai : Lancement de la gamme Traction Avant avec la 7A 7cv fiscaux (1303cc - 32cv)
 de Mai à octobre : 22 V8 (8cyl en V - 3822cc - 90cv) présentée en version berline, familiale, limousine, roadster et faux cabriolet. Mais cette auto n’a jamais été produite en série.
 Juin : 7B 9cv (1529cc - 35cv)
 Septembre : 7S 11cv devient la 11 AL (1911cc - 46cv).
 Octobre : 7C 11cv (1628cc - 36cv) les 7 seront construites en version berline, roadster et faux cabriolet

1934 - 37

 L’apparition de la « 11 légère » 11AL et 11A (1911cc - 46cv).

1937

 11BL et 11B (1911cc - 46cv).
 Mars : 11BL et 11B « performance » (1911cc - 56cv)

1938

 Juin : 15G (6cyl - 2867cc - 76cv) dont le moteur tourne à gauche.

1946

 Remise en production des berlines 11 légère et 11
normale (ex B et BL)avec moteur Perfo.

1947

 15 six-D (6cyl - 2867cc - 76cv) dont le moteur tourne à droite.

1954

 15 six-H (6cyl - 2867cc - 80cv) suspension hydropneumatique. les 15 seront construites en version limousine et familiale, 1 seul exemplaire sera construit en cabriolet pour madame Michelin.

1955

 les 11 seront construites en version berline, roadster et faux cabriolet, familiale, limousine et commerciale.
 Mai : 11D (1911cc - 60cv) nouveau moteur.

1957

 Juillet : Fin de production des 11 T.A Citroën

Il n’y-a pas que dans les expositions que l’on trouve des épaves de Traction...
... il arrive de temps à autre de faire une agréable découverte au fond d’une grange oubliée. La suite est une question de temps et de courage pour la restauration.

A lire aussi :

le superbe livre de Fabien Sabatès :
 "22... V’là les Traction". L’ouvrage rassemble les

plus belles Tractions, les plus rares, parfois uniques, issues de collections de toute l’Europe. On y retrouve la 11B 1948 TTT (belge), la 11B 1949 vilette, 1939 Bernath (Suisse), 1940 Splendilux, La light 15 1948 C.D.Waters (angleterre), la 11 MEP de 1952 et bien d’autres... Un livre incontournable pour les amateurs de la Traction !

 disponible dans notre Librairie Automag au prix de 26,97 €).

Cette Citroën 11 BL de 1949, participait au Rallye des Légendes en 2002.

... et les Tractions continuent de se moquer des virages, encore de nos jours, mais plus sagement !

Vos commentaires

  • Le 3 janvier 2005 à 09:41 En réponse à : > Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    Bonjour,
    J’ai regard ? votre site qui est tr ?s bien !
    Comme sp ?cialiste une remarque sur la 22 :
    Il n’y a eu que 4 TA22 ?quip ?es d’un moteur Ford ; les autres, environ 16 exemplaires, ?taient pourvues du moteur V8 Citro ?n. Pour plus de d ?tails historiques voir le livre de Laronde et Sabat ?s "la 22" et pour la technique ma plaquette "la 22 de ma soeur", ou www.traction22.nl (texte fran ?ais)

    Recevez mes salutations amicales,
    Han Schook

  • Le 3 janvier 2005 à 14:36, par Bob d’Automag En réponse à : > Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    Merci Han, pour ces précieuses informations !

    Tenez-nous informés de la suite de vos recherches sur la 22 ...

  • Le 22 février 2005 à 18:13 En réponse à : > Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    à propos de la 22 cv cabriolet , me souviens avoir voyagé dans l’une d’elles qui appartenait à un garagiste de Brive - Cet engin marchait comme le vent mais avec des freins plus qu’insuffisants

  • Le 31 juillet 2005 à 18:26, par sarahmonet(pseudo) En réponse à : > Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    Bravo pour cet historique, vous citez un ouvrage effectivement interressant, mais il me semble que le plus complet de tous les ouvrages sur la traction est ; le grand livre de la traction, d’Olivier de Serres, et c’est le plus exact , surtout.
    salutations tractionistes

  • Le 21 septembre 2005 à 10:22, par Hervé LARONDE En réponse à : > Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    Je pense connaître ce cabriolet 22 dans lequel vous avez roulé. Pourriez-vous me donner quelques détails supplémentaires afin que je puisse boucler ma nouvelle enquête ? Merci.
    Je suis l’auteur de "La 22, enquête sur une mystérieuse Citroën" (Paris, 1994). Cordialement,
    Hervé Laronde
    traction22@ifrance.com

  • Le 8 février 2006 à 17:52, par Jean Claude D En réponse à : > Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    Je viens de découvrir ces documents, bravo, c’est clair et clean !
    Je suis tractioniste dans l’âme, mais ma dernière traction une 15 six H de 1956, je l’ai conduite entre 1968 et 1969,depuis je collectionne un peu tout sur les tractions....
    Un jour j’espère avoir les moyens de rouler de nouveau dans ma propre traction. Le dernier livre d’Olivier de Serre est introuvable (sauf à y mettre une fortune)et il ne sera pas réédité !
    Continuez de nous faire rêver ! Merci.

  • Le 18 avril 2006 à 17:09 En réponse à : > Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    bonjour, je vend "traction avant le grand livre" de olivier de serres, allez voir sur ebay.

  • Le 18 juin 2006 à 15:00 En réponse à : > Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    Félicitations pour ce très bel article .
    Je possède une 15/6 démontée à restaurer en partie et aimerais la vendre . Pourriez-vous s’il vous plait m’indiquer un site de club TA Hollandais ?
    Mon email : JMSAUX@aol.com
    Merci d’avance ,
    Jean-Michel.

  • Le 2 juillet 2006 à 02:09, par jose luis En réponse à : > Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    Hello my name is José Luis Botto, I am a collector of Citroen 11, I live in Argentina and I have just bought a motor without use that e in a drawer during 50 anuses in the customs of my country, the same one this in a drawer arrives this way from France its I number it is 10901419 PVM, quisera to know if ustds has some information of the same one.
    Jose Luis Botto
    Buenos Aires - Argentina
    54-11-4639-0208
    botto@fibertel.com.ar

  • Le 14 octobre 2006 à 21:13, par Fouad Rizkallah En réponse à : > Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    Oui felicitations pour ce tres bel article. Je suis du Liban.Jái achete ma premiere voiture en 1962, alors que je preparais mon bac.
    C’etait une 11 legere,modele 1956.Et, de toutes les voitures que j’ai acquises, je garde le plus beau souvenir de cette voiture exceptionnelle,qui n’est jamais tombe en panne, et qui surpassait beaucoup de ses contemporaines , a plus d’un egard. Meilleure en tout cas que la DS 19 de mon frere, a la meme epoque.

  • Le 25 janvier 2008 à 10:03, par marcel En réponse à : Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    bravo pour votre page , j’ai une 15 /6 et une 11 BL et suis à la recherche d’une coque de 11 B compléte merci à tous

  • Le 2 juin 2008 à 12:02, par Hubby En réponse à : Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    bonjour, bravo pour cet article je vends une 11 de 1952 en pièces détachées

  • Le 26 avril 2009 à 20:18, par walter desert En réponse à : Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    Je possède pas mal de pièces de traction 11cv et de 7 ; mon tel est le 060/512076 le soir

  • Le 21 janvier 2010 à 12:53, par bernbeg En réponse à : Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    J’ai été surpris et heureux de constater que la photo de ma Traction figurait au bas de votre document. Il s’agit du véhicule qui a effectué le rallye des légendes 2002. Une erreur toutefois à rectifier : Il s’agit d’une 11 BL de 1949 et non 1954.

  • Le 21 janvier 2010 à 14:10, par Bob d’Automag En réponse à : Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    voilà qui est fait, merci pour cette correction.

  • Le 1er septembre 2011 à 10:32, par hotel luxe paris france En réponse à : Citroën se moque des virages depuis déjà 70 ans !

    Salut,

    Il est vraiment super ce blog. Continuez. Bonne continuation.

    hotel luxe paris france

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