Le saviez-vous ? Le Père-Noël a troqué son...

Dimitri Haulet, Philippe Haulet    2017-08-01 15:58:16   

Le saviez-vous ? Le Père-Noël a troqué son traîneau contre une Harley-Davidson …
Sérieusement, nous allons à la rencontre d’un amoureux des vieilles motos. Jean-Pierre en est épris depuis sa plus tendre enfance.
Souvent, comme tous les passionnés, il suffit de l’écouter.



©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

« Retraité, je travaille sur mes motos quand j’en ai envie

mais jamais plus de 2 à 3 heures d’affilée. Ceci explique qu’il me faille beaucoup de temps pour mener ces restaurations à bien. Je ne parviendrai certainement pas au bout de mon oeuvre mais c’est le cas de beaucoup de collectionneurs.

Mon père collectionne des anciennes voitures depuis la fin des années 50.

J’aime la moto mais mes parents refusent que je la pratique.
En 1969, le Vétéran Car Club, club d’anciennes voitures, organise le premier rallye pour motos anciennes et j’y participe.

En 1971, quelques copains créent le ‘Vétéran Moto Club belge’ et je suis un des premiers à les rejoindre. Ce club se développe tellement qu’aujourd’hui, plusieurs organisations, promenades ont lieu tous les W-E. Leur plus grand rallye est le Liège-Nancy-Liège, fin août. Ce sera la 39ième en 2017.

Je participe à toutes les éditions, comme pilote, signaleur ou organisateur. En outre, tous les trois ans, un grand rallye de 9 jours est organisé et il est en cours maintenant ( juillet 2017 ) à destination de Bratislava sur environ 4000 km pour les motos antérieures à 1945. Notre club s’occupe des motos d’avant 1961. Depuis quelques semaines, les motos jusqu’en 1980, pour quelques rares organisations, sont acceptées. »

Ta première moto ?

« Ma toute première est une Gillet 500 Sport de 1929,

en 1962 à 12 ans. Elle appartient à un fermier du village. Enfants, mes copains et moi connaissons la moto de vue. En passant devant la grange, nous l’admirons.

Un jour, son propriétaire déménage et la sort pour la mitraille. Je lui rachète pour 200 francs, en pièces de 1 et 5 francs sorties de ma tirelire. Comme ce fermier pense que la moto ‘dangereuse’, il demande un mot des parents.

Avec l’aide des copains et beaucoup de persévérance, elle roule. En rentrant du travail, mon père veut l’essayer et tombe : pied cassé, moto au garage et interdiction d’y toucher.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Pour mes 19 ans, je vis ma première expérience à moto lors du premier rallye ancêtres motos à Verviers. Je roule sur une FN de 1931. La limite fixée à 1930 mais je prouve que le modèle est présent au salon fin 1930. Cette FN, je la découvre aussi dans une ferme pour la somme de 50 francs.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Pour ces premiers achats, je ne dispose pas de moyen de transport et je ramène les motos en les poussant. A Poulseur, le fermier bien gentil transporte la moto Gillet 1931 que je lui achète dans la pelle de son tracteur.

Des premières motos, il m’en reste peu car à une certaine époque, je me limite aux américaines. Pour une collection, quand on n’est pas très riche, il faut choisir et vendre ce à quoi on tient le moins pour acheter ce qui nous fait vraiment envie.

Au cours des années 70, lors des vacances en France, je pars souvent avec la remorque et rentre avec 3 ou 4 vieilles motos. A cette époque, j’en trouve partout. Je profite de chaque arrêt pour interroger les habitants et choisir ce qui m’intéresse. Ce n’est plus le cas maintenant.

J’entreprends la restauration selon ma philosophie : respect de l’origine, moto roulante mais je ne veux pas un état ‘nickel’. Une moto roule et en porte les traces. Sur les photos d’époque, je vois ces traces, même pour les motos récentes.

Rouler sur une moto plus belle que neuve, ne correspond pas à la réalité. Nettoyer un peu mais graisser beaucoup ! Les pièces mécaniques doivent être lubrifiées. Donc attention aux taches si vous approchez mes motos.


Personnellement, je suis un très mauvais mécanicien. Comme je le dis souvent, je suis doté de deux mains gauches. Pour trois boulons à serrer, le premier casse, l’autre se dévisse et le dernier tourne ‘sot’. »

Quelques unes de tes motos ?

« La plus intéressante de ma collection est la Henderson 4 cylindres.

Je ne la vendrai jamais. C’est une moto américaine de 1922, fabriquée à Chicago, soupapes latérales, 1320cc. Avec moi, elle a plusieurs milliers de km au compteur et le moteur demande une révision.

Henderson commence la fabrication de motos en 1913 et est racheté par Excelsior en 1919, une autre firme américaine qui produit cette moto jusqu’en 1929.

Fin 70, début 80, un copain en achète deux en Angleterre. Il en garde une et vend l’autre à un collectionneur de Verviers. Mais celui-ci perd tout intérêt pour la Henderson et je lui échange contre une vieille Ariel Fleet de 1904. Peu après, je refais l’embrayage.

Contrairement à son apparence, elle est très maniable. Quelques caractéristiques : klaxon à manivelle,

phare à carbure, poignées pour l’accélérateur et pour l’avance à l’allumage. Seul problème, l’embrayage est au pied et je ne peux poser que le seul pied droit au sol pour l’arrêt.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Question qui m’est souvent posée : ‘elle monte à combien ?’ Lors du Tour de Provence, je gravis le mont Ventoux. Je peux donc répondre : ‘à presque 2000m’.

Et ce jour-là, au Ventoux, le temps est mauvais. Pour la descente, les freins à bande mouillés ne fonctionnent plus et je descends très prudemment par la route sinueuse et en première vitesse. De plus, au cours de ce rallye, je casse le guidon et un habile artisan le répare sur place.


Le Pacer du stayer-entraîneur Péguy et du cycliste Guimard.


Le moteur de 2400CC de 1906 est sans doute, fabriqué ‘maison’ par Péguy. A remarquer l’échappement en fin de course et le tendeur de courroie.

Péguy, comme un véritable artisan, fait évoluer le cadre régulièrement. Cette moto spéciale sert à entraîner les cyclistes sur la piste en bois.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Caractéristiques : pas d’embrayage ni de boîte de vitesses, entraînement direct par grosse courroie plate. L’obligation d’atteindre des vitesses élevées (environ 100km/h ) justifie la cylindrée de 2400cc.

Elle est refaite mais il me manque l’allumage par batterie-trembleur.

Harley-Davidson Electra Glide 1967 de la Gendarmerie.

C’est ma dernière acquisition. A l’état d’épave, elle est en cours de remontage,

Contrairement à la légende, ces motos déclassées par la gendarmerie se rachetaient relativement chères à l’Administration des Domaines dans les années 70. Il fallait compter au moins 40.000 francs pour une moto complète sans garantie alors qu’un modèle neuf de base coûtait environ 100.000BEF. mais sans l’effet ‘moto de gendarme’.

Un copain en achète deux, dont une pour pièces. A sa mort, sa fille accepte de me vendre l’incomplète.


Heureusement, on trouve toutes les pièces mais chères payées. Tuyau de frein : 55€, écussons de garde-boue avant : 108 € et tout à l’avenant.

En 1971, pour mes 21 ans, j’achète une Harley-Davidson Electra neuve

que je possède toujours et que je viens de remettre en route.


Pendant des années, elle reste en cave, trop vieille pour rouler tous les jours et trop jeune pour les rallyes ‘ancêtres’. Depuis quelques semaines, le club accepte ces motos plus récentes et je l’ai remise en route.

Cette Legia 1902 est fabriquée à Liège,

avec un moteur 330cc De Dion-Bouton, une transmission directe par courroie. Pas d’embrayage, pas de boîte de vitesses, elle est en cours de remontage.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

La Triumph 250 culbuteur de 1932 est un achat ‘coup de chance’.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Des nouveaux propriétaires d’une maison du côté de Bastogne sortent tout ce qui traîne dans les hangars. Un copain voit la moto, me prévient et je l’achète.

La Cémec de la police française

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

est une 750cc à soupapes latérales, fabriquée au départ du matériel abandonné par l’armée allemande après la seconde guerre mondiale.

Quand le stock des pièces ‘allemandes’ est épuisé, la production est réalisée en France et celle-ci est une des premières avec uniquement les pièces ‘made in France’.

Une Guzzi 500 à culbuteurs de l’armée italienne,

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

produite entre 1940 et 1960 sans autre précision.

FN M67, 500 à culbuteurs est de 1927.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Elle est restaurée et le réservoir est encore à repeindre. Il s’agit du haut de gamme FN à la fin des années 20. Je l’ai achetée en France à Bordeaux. Le moteur tourne mais je n’ai pas encore essayée. Notez les pose-pieds ‘wagon’, modèle confort.

Harley-Davidson de 1925,

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

1000cc, bicylindre en V. Elle tourne mais connaît des soucis de magnéto.

Indian Chief de 1946.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

La restauration est avancée mais la moto doit être remise en route. A la fin des années 60, je trouve la même que celle-ci chez un démolisseur à bon prix (900 francs). Je roule avec cette moto au grand dam de mes parents.

Lorsque je veux accompagner mes copains en vacances, ils refusent de payer à cause de mon échec à l’université. Pour partir, je vends l’Indian. Je le regrette encore. Heureusement, je retrouve la même.

Spring : Herman Spring est un ingénieur allemand habitant à Tilff, ma commune.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Il construit des motos au début de 1920, avec un moteur bicylindre en V face à la route, un amortisseur de transmission, un embrayage, une boîte à 3 vitesses avec un renvoi d’angle pour l’entraînement par chaîne. Les roues AV et AR sont interchangeables.

Seul, il fabrique 20 à 30 motos. A partir de 1921, elles disposent d’une suspension arrière, d’un cadre et d’un réservoir plus larges. Celle-ci est de 1920 parmi les toutes premières sans suspension arrière et est la seule connue encore complète.

Je pense que c’est celle présentée au premier salon de la moto en 1920, au Palais d’Egmont car c’est une des très rares avec le long réservoir sans suspension arrière.


Je la trouve dans une ferme de la région par un copain qui hésite à l’acheter. Finalement, elle est abandonnée aux immondices. Dommage car beaucoup de pièces manquent. J’ai les premiers éléments (cadre, partie cycle) depuis une cinquantaine d’années. Pour le reste, c’est un long travail de recherche.

BSA 1916.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Moteur de 550CC, à transmission par courroie, boîte à 3 vitesses, utilisée par armée anglaise pendant première guerre mondiale. Je l’ai achetée depuis 6 à 7 ans lors du décès d’un collectionneur. C’était sa plus ancienne pièce mais l’état est catastrophique.

Harley-Davidson Sport 1922.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Elle est démontée, très rare, bicylindre à plat en longueur de 600cc.

La Raleigh est une moto anglaise,

bicylindre en V de 800cc à soupapes latérales et une boîte à 3 vitesses.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Elle roule mais j’ai remplacé les roues d’origine (mauvais freins, crevaisons) par celles-ci avec d’autres pneus pour un meilleur confort et plus de sécurité. C’est une de mes montures préférées pour les balades réservées aux motos d’avant-guerre. Je vais l’utiliser pour le prochain ‘Arbre à Cames’ le 21 juillet prochain.

©Jean-Pierre Beaufays.
©Jean-Pierre Beaufays.

Je termine avec une anecdote qui fait rire, … mais après.

Au rallye du côté d’Ostende, je suis avec une Indian Scout 600 de 1921 et un copain roule sur ma Henderson. La route est bien droite, bordée par des arbres et un petit canal.

Je me retourne pour voir si le copain suit et sans m‘en rendre compte, je dévie et plonge dans le canal. Résultat, de l’eau jusqu’à la poitrine et la moto envasée. Une courroie est accrochée au porte-bagage et la moto sortie de l’eau. »

Et voilà, la visite s’achève. Souhaitons à Jean-Pierre de finir ses travaux de restauration, pour son plaisir personnel et pour celui de tous les passionnés qui l’écoutent discourir.

Et si vous en doutiez, le Père-Noël existe…

Interview & reportage : Dimitri & Philippe Haulet.

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